Chapitre 12-



L’ appartement de Spike était situé dans une rue résidentielle ,à l’intérieur d’un bâtiment bas de deux étages , entouré d’arbres et de palmiers.
Il habitait au rez- de chaussée , et l’accès à l’habitation se faisait par un espace de verdure luxuriante à travers le quel il la guida jusqu’à une porte en bois sculpté. Une profusion de lauriers roses garnissaient les abords de l’entrée.

Le hall donnait sur un séjour de taille moyenne , murs blancs , une large baie coulissante offrant une vue sur d’autres jardins , des façades en bois de maisons particulières, et , tout au bout , Buffy pouvait s’imaginer distinguer la ligne de l’océan.

Sur la gauche s’ouvrait la cuisine , où Spike alla déposer leur repas.

« Bien entendu , c’est encore un peu sobre, » reconnut- il quand il revint de sa démarche un peu sinueuse . Elle eut l’impression d’avoir déjà vécue cette scène.

« Mais, j’ai l’essentiel, » dit-il avec un sourire qui la fit frissonner .

Elle regarda autour d’elle. Un canapé de cuir fauve , immense , occupait un pan de mur , et en face il avait installé deux étagères remplies d’ouvrages , au centre desquelles un écran de télévision tenait une place de choix. Une petite table en verre devant le canapé complétait l’ensemble.
Le reste de la pièce était vide , mais Buffy , avançant avec nonchalance , apprécia l’atmosphère immédiatement. Elle se tint debout devant la porte –vitrée .

« J’aime, » dit-elle avec un petit sourire rêveur.

« Et moi , j’aime que tu sois là.. » murmura t –il d’une voix caressante. Il lui mit les mains sur la taille et elle se laissa aller contre lui.

Ils demeurèrent plusieurs minutes , savourant cette quiétude un peu exceptionnelle entre eux.
« Fais-moi.. fais-moi visiter le reste, » souffla t –elle , son corps trahissant déjà l’irrésistible désir qu’il faisait naître dans ses veines.

« Il y a un bureau, qui est dans un désordre.. certain. » Sa voix était un ronronnement contre son cou. Elle fit un effort pour se souvenir que cet homme ensorcelant demeurait un mystère pour elle.
« Une salle de bain.. avec une douche ,pour deux. » Elle frémit et il mordit doucement la chair de son épaule. « Et ma chambre.. » Il avait chuchoté ce dernier mot avec une promesse.


« Allons manger, » souffla t –elle. « Cela va refroidir. »

Il ne souhaitait rien de plus que la garder dans ses bras et lui avouer combien il avait attendu ce jour. Mais il avait aussi le sentiment que maintenant qu’il était de retour , rien ne l’empêcherait de provoquer toutes les occasions pour qu’elle accepte enfin ce qu’il avait à offrir.


Ils s’installèrent sur les tabourets qui étaient placés devant le comptoir. La cuisine était petite mais adorablement agencée , et une fenêtre haute donnait sur la partie verdoyante de l’entrée.
Ils évoquèrent le lycée , tout en mangeant de bon appétit.
Buffy ne pouvait pas se défaire de l’idée que toute cette situation avait quelque chose d’irréel : elle était avec William.. non , Spike Kensinton , ils partageaient un repas autour d’une discussion simple , sans se disputer , sans élever la voix .

Quand ils eurent terminé , elle l’aida à ranger. Puis il la conduisit voir le reste de l’appartement , qui consistait en un bureau dans un désordre remarquable , comme il l’avait souligné , une salle de bain aussi jolie et agréable que la cuisine , et sa chambre où un lit immense et une armoire ancienne constituaient les seuls meubles. La pièce donnait à l’ouest et des stores bleus tamisaient la lumière du soir.

« Tu es très bien installé, » dit-elle , leurs pas les ramenant vers le salon.

« Oui. J’ai trouvé facilement grâce à Giles. Il n’est pas très loin . »

« Je sais. C’est bien que tu aies pu compté sur lui en arrivant. »
« J’ai revu Willow , et fait la connaissance de Tara. Elles te l’ont dit ? »

« Oui. Nous avons un peu évoqué ton retour , la dernière fois que nous avons mangé ensemble toutes les trois. » dit-elle avec un sourire. « Et elles nous ont vus danser.. »

Elle était venue naturellement se placer devant la baie vitrée. Les rayons du soleil couchant nimbaient les arbres et les fleurs d’un voile de couleur irisée.

« Tu pourrais presque voir l’océan.. » dit-elle , pensive. « Il suffit d’imaginer qu’il est devant nous, loin. »

Il l’entoura de ses deux bras . Elle fut aussitôt envahie d’un sentiment intense de trépidation .

« Oui.. » acquiesça t- il . Et la douceur un peu râpeuse de sa voix était une musique. « Nous y retournerons. »

C’était une requête , et une affirmation.
Comme si elle pouvait avoir oublié leurs instants volés , sur cette plage au bord du Pacifique , quand elle ne voyait en lui qu’un rebelle un peu fou .

« N’as-tu jamais éprouvé le désir de quitter Sunnydale ? » souffla t –il.

« Si , parfois. Mais au moment où je créais la fantaisie dans ma tête , je songeais que je laisserais derrière moi les gens que j’aime. »

Elle le sentit frémir , reprendre son souffle.

« J’étais presque seul au monde quand j’avais dix huit ans , et que je venais de terminer ma première année d’étude, » dit-il d’une voix étouffée. « Certains jours ma solitude a été effrayante. »

Elle vint caresser la main qu’il avait laissé sur son estomac , doucement.

« Tu as dû beaucoup souffrir de perdre ta mère si jeune. »

« Cette souffrance me paraissait insupportable , parfois. Mais un garçon de cet âge ne manifeste pas son désarroi. Il le cache. »

« Crois-tu que ta vie aurait été différente.. si elle avait été là , pour t’accueillir à ton retour de Californie ? » chuchota t –elle , en proie à une émotion étrange.

« Si elle avait été encore vivante, Rupert ne m’aurait pas invité à le rejoindre. »


‘Et nous ne nous serions jamais rencontrés..’ songèrent –ils simultanément.


Buffy ne résista pas au plaisir de l’entourer de ses bras , les levant au dessus d’elle , tandis qu’il lui faisait tourner la tête pour l’embrasser . Leurs bouches fusèrent avec une fièvre qui les laissa pantelants.
Spike remplit ses poumons et attaqua avec plus d’ardeur la bouche offerte. Il la tenait délibérément contre lui , et dans cette position , elle n’avait pas d’autre liberté que de suivre ses envies. Il avait placé sa main gauche sur le bas de son ventre , et l’autre sous son menton .
Elle gémit et il fit écho à son gémissement par une plainte qui envoya des ondes d’excitation plus intenses dans le bas de ses reins.

« C’est bon , amour.. » respira t –il. « C’est si bon , de te prendre.. »
L’usage de ces mots à double sens retentirent comme une sonnette d’alarme dans le cœur de Buffy.
Elle se retourna , oppressée , le dos à la fenêtre.

Ils se regardèrent pendant une longue minute , tous deux en proie à une agitation douloureuse.


« Crois-tu au destin ? » murmura t –elle d’une voix presque inaudible.

Il respirait avec fébrilité. Laissa son regard caresser le visage de Buffy comme s’il voulait s’approprier sa pureté , la grandeur lumineuse de ses yeux verts , ses lèvres tremblantes sur lesquelles il avait goûté un bonheur toujours plus grisant.

« Oui, » dit-il avec une anxiété qui rendit les jambes de la jeune femme bien faibles.
« Et si la vie n’avait pas été si facile pour toi , tu y croirais aussi. »

Ses yeux bleus étaient devenus ardents , et il se rapprocha.

« Quelquefois.. je me suis réjouis que tu aies connu Angel. »

Elle l’observa , bouleversée. « Pourquoi faut-il toujours que tu parles de mon passé ? Si je suis quelqu’un qui t’intéresse aujourd’hui, c’est aussi à cause de ce que j’ai vécu.. »

Il la prit par la taille , posa son front contre le sien.

« Je sais, » admit-il d’une voix sourde. « Mais je n’ai pas oublié le goût de tes baisers , même quand tu me les donnais à contre- cœur. »

Elle gémit et ses lèvres s’ouvrirent instinctivement. Elle avait passé un bras derrière sa nuque et le regardait avec des yeux fiévreux.
« Spike.. » pria t –elle.

Il saisit sa lèvre inférieure avec une douceur si fervente qu’elle réprima des larmes.

Embrasser William lui avait déchiré le cœur.
Peut-être parce qu’elle savait qu’il lui faudrait refuser le bonheur insensé que sa présence lui apportait. Elle se pressa plus avidement contre son torse et il explora la bouche soyeuse avec une frénésie contre laquelle elle était impuissante. Elle se laissa aller en arrière , un petit cri s’échappant de sa gorge. Une félicité brûlante noyait tout son corps.

« Tu as vécu cela , avec lui ? » demanda-t –il , ses mains autour de son visage.

Elle tressaillit , se dégagea.

« Pourquoi m’as –tu fais venir ici ? » dit-elle avec un regard où brillait une fierté outragée. « Tu veux un récit détaillé des trois années où Angel a fait mon bonheur ? »

Les yeux bleus de Spike se rétrécirent et prirent l’éclat de la glace. Il revint vers elle brusquement mais elle ne bougea pas.
« Je me moque de la manière dont cet imbécile s’est comporté, » gronda t –il. « Mais tu ne peux pas lui pardonner de t’avoir abandonnée ainsi. »
Il la prit par les bras , et son beau visage était marqué par la fureur.

« Je ne comprend pas pourquoi il a agi .. de cette manière » assénât –elle. « Nous avions des.. divergences. »

Il eut un rire cynique. « Des divergences ? » répéta t-il avec dédain.


Il ferma un instant ses paupières , cherchant à retrouver son calme. Il avait haï Angel avec une telle force destructrice, quand il était reparti pour Oxford. Bien entendu , cette haine s’était estompée. Mais avait singulièrement retrouvé de la puissance, quand Giles avait raconté brièvement que l’avocat avait brutalement choisi le départ pour Los Angeles.

« D’après Giles il mène une vie agréable , et n’ a pas dû rester célibataire. Reconnais au moins qu’il ne t’ a jamais mérité. »


Il vit trop tard une lueur de douleur profonde se refléter dans le vert amande de ses yeux.

« Amour, je.. pardonne-moi, » dit-il aussitôt. « Ne parlons plus de lui. »

Il avait si mal . Il retrouvait tout le désespoir ressenti , quand Buffy revenait dans les bras d’un homme qu’elle chérissait, et qu’il demeurait seul , vulnérable, trop jeune et inexpérimenté pour comprendre qu’il n’avait aucune chance .
Angel n’était plus là , mais son souvenir pesait aussi lourd.

Et il venait de lui faire de la peine en lançant au hasard une affirmation qui semblait-il , s’approchait de la vérité.
Il leva une main , caressa sa joue d’un doigt léger.

Mais elle se tenait , rigide , les bras croisés sur sa poitrine , et secoua son visage.

« Quand tu es venu à Sunnydale il y a cinq ans , je t’ai fait souffrir, » dit-elle d’une voix songeuse.
Elle reprit sa respiration. « Mais j’ai souffert aussi. Comptes-tu me rappeler toujours mes erreurs ? »

« Jamais ! » dit-il d’une voix sourde. « Allons nous asseoir.. allons.. tu as dit que nous devions parler , Buffy.. » dit-il doucement.

« Je ne sais pas te parler, » chuchota t –elle en baissant la tête.

« Et le roman ? Dis-moi.. raconte –moi.. Pose moi les questions qui te préoccupent. » dit-il .

« Je dois partir. »
Buffy se sentait vidée de toute son énergie. Etre avec William avait toujours été éprouvant. Etre avec Spike prenait le même caractère . Et si maintenant il lui fallait évoquer la douleur qu’elle avait ressentie à la lecture des lignes consacrées à son existence auprès d’une autre femme , elle n’en avait pas la force.

Elle était déjà à la porte , ramassait son sac par terre et ouvrit.

« Buffy , je suis désolé.. Je crois que je devrais réfléchir avant de.. »

Elle était si belle , si proche, si loin de lui.

« J’aime beaucoup ton appartement, » dit-elle doucement. Il la rejoignit ,et ,dans l’embrasure de la porte , lui prit une main , qu’il porta à ses lèvres.

« Reviens , amour. » Il ferma ses paupières , grisé par la douceur de sa paume.

Elle dégagea doucement sa main . Il ne réagit pas quand il sentit qu’elle s’en allait, encore.
L’écho de ses pas sur les dalles du petit chemin retentit longtemps en lui , après qu’elle ait disparut.



Il revint lentement vers la cuisine , sortit une bouteille de whiskies dont il se versa un verre généreux.
Il alla s’asseoir au salon , posa la bouteille à ses pieds , buvant l’alcool à petite gorgées , sa tête en appui au fauteuil.

Il songea à l’amertume qui l’avait envahi quand il avait compris que Drusilla n’avait pas eu de véritable amour pour lui. Pourtant elle avait offert au jeune William une liberté , une passion , qu’il avait accueillies comme les plus incroyables cadeaux.

A partir de l’instant où leurs regards s’étaient croisés lors de cette fête de première année à l’Université , il avait été ensorcelé. Cela faisait six mois à l’époque qu’il avait expérimenté la blessure de Sunnydale , et il ne demandait qu’à se jeter à corps perdu dans l’oubli et la révélation des expériences les plus insolites.
Drusilla ne l’avait pas déçu , sur ce plan là..

Il se demandait parfois comment il avait réussi à aller en cours et à présenter ses examens .
Pendant les trois années qui avaient suivi leur rencontre , il avait abusé de sa jeunesse et de sa vigueur , avait ri au feu avec elle , avait bravé toutes les conventions et les interdits.

Pourtant cette folie avait peu duré. Le soir où Drusilla, sous l’emprise de drogues dures , lui avait avoué combien elle s’était servie de lui , de sa naïveté , de son obéissance , avait marqué le retour pour Spike à un état d’esprit différent.

Deux ans après qu’elle l’ait subjugué avec son charme vénéneux , elle avait tout simplement déclaré que leurs expériences devenaient ennuyeuses. Qu’elle avait besoin d’un homme plus fort , plus fou.

Il avala la dernière gorgée de whiskies , passa une main sur son front.

Et ainsi était né dans son cerveau enfiévré et meurtri un roman sulfureux , une traînée de colère et de ressentiment , d’ardeur et de tourments , de passion , de regrets.
IL avait écrit son livre en quelques semaines. Ne préparait pas vraiment ses diplômes qui allaient achever son cursus universitaire. Mais quelle importance. Il était brillant , avait la réputation d’un élève remarquable qui pourtant n’était pas assidu.
Et il avait réussi . Avait eu l’audace d’envoyer son manuscrit à trois maisons d’édition , et eu la surprise de recevoir un appel téléphonique d’un éditeur surexcité , acceptant de publier cet ouvrage qui , avait –il dit , serait un pavé dans le calme littéraire bien pensant .


Un an auparavant , à son arrivée à New York , Spike Kensinton était considéré comme un jeune universitaire talentueux, un romancier prometteur dont la première œuvre demeurait , neuf mois après sa parution , une des meilleures ventes.
Ce séjour dans la cité américaine restait teinté de peine et d’espoirs. Il s’était rapproché de la Californie , rêvant quelquefois qu’il y reviendrait , et que cette fois , on ne le regarderait pas avec dédain.

Mais il était aussi un homme qui avait appris à combattre ses craintes , et à embrasser tout ce qu’il désirait le plus follement , le plus viscéralement .
A travers les mots torturés de son livre , il avait déclaré un combat.

Cette faim qui le rongeait , cette blessure qui cheminait en silence dans chaque veine , cette épine de lumière dans son cœur, avaient un visage. Buffy .



On frappait à sa porte. Il essaya de retrouver ses esprits. Sa tête lui faisait mal , il passa ses doigts sur chaque tempe et cligna des paupières. La nuit était presque tombée et il se leva en titubant un peu.
« Voilà , voilà , j’arrive ! » cria t –il.

Sur le seuil Giles attendait , un œil un peu inquiet. Il haussa un sourcil inquisiteur à la vue de Spike.

« Entre, » marmonna celui-ci en frottant sa nuque. « Nous avions rendez-vous ? »

Giles le scruta de la tête aux pieds avec un petit air d’étonnement narquois qui agaça le jeune homme au plus haut point.

« Oh je t’en prie ! Pas de réflexion ! » Il pointa son index vers lui. « J’ai eu un ou deux verres.. » Il fut interrompu par un hoquet.

« De trop ? » dit Giles en le prenant par un bras.

« Mais je peux marcher seul, » grogna t-il en se dégageant. Ce geste brusque le fit chanceler et Giles le rattrapa avant qu’il ne s’affale sur la table en verre du salon.

« Mais enfin Spike, que se passe t –il ? » demanda –il d’un ton plus concerné.
Il l’aida à prendre place sur le canapé, et aperçut la bouteille d’alcool dont le contenu était bien bas.
Il alluma une lampe et vint s’asseoir .

« Rien, rien.. Je ne reprends pas de mauvaises habitudes, si c’est ce que tu crains, » ajouta t –il en voyant les traits soucieux du bibliothécaire.

« Tu n’as pas eu de problèmes au lycée ? »
« Pas du tout. Tout va très bien. Ecoute, c’est personnel. »

Spike se sentait assez mal. Depuis longtemps il ne buvait plus d’alcool en quantité déraisonnable ; ces excès remontaient à la période de trouble avec Dru. Il avait été vraiment ridicule de se laisser aller à chercher un quelconque réconfort ainsi, sous prétexte qu’il avait parlé maladroitement à Buffy.
Buffy. Oh .. Buffy.. S’il n’avait pas parlé inconsidérément , elle serait peut-être encore là , logée au creux de son épaule. Il avait oublié que Giles l’observait.

« Personnel ? Tu n’es pas arrivé ici depuis suffisamment longtemps pour te créer des ennuis, » dit-il avec une pointe de sarcasme affectueux. « A moins que tu n’aies déjà brisé les cœurs de jeunes femmes éblouies au premier regard ? »

Spike darda sur son ami des yeux d’un noir vibrant. « La bibliothèque est-elle le dernier lieu des bavardages ? On vient te demander des renseignements sur moi ? »

Giles eut un rire léger et retira ses lunettes. « Non, bien sûr que non, mais d’après mon expérience, la boisson est souvent liée aux problèmes de cœur. »

« C’est vrai. Et maintenant que tu le dis, je me souviens du désespoir alcoolique dans lequel t’avait plongé la lettre de Jenny , quand elle t’annonçait ne pas être sûre de ses sentiments pour toi . »

La figure de Giles prenait des reflets écarlates. Il essuya ses lunettes avec vivacité et les remit en place.
« Je te prierais de ne pas faire allusion à cette soirée lamentable, » dit il. « Nous étions en train de parler de toi. »

« Tu étais en train d’essayer de savoir pourquoi j’avais bu la moitié de mon whiskies, » murmura Spike avec une voix un peu rauque. « Et je t’assure que ton secret est en sécurité avec moi. » Il lui fit un petit clin d’œil.

Giles se tortillait sur son siège.
Le souvenir de ces quelques jours à Londres un peu moins de deux ans avant , pour rencontrer un William métamorphosé en Spike , restait vif dans sa mémoire. Il débutait une relation vraiment amoureuse avec Jenny Calendar à ce moment , et quand il avait reçu cette lettre où elle expliquait qu’elle ne savait pas encore où elle en était , alors qu’il éprouvait un sentiment sérieux pour elle , cela l’avait conduit à un chagrin qu’il trouvait un peu excessif à présent. Chagrin et peine noyés dans l’alcool..
« Cela signifie que tu as bu ce soir à cause d’une femme, » dit il d’un air triomphant.

Spike ferma les yeux , se frotta la mâchoire. Puis ouvrit à nouveau un regard las sur celui qu’il considérait comme un membre de la famille - le plus proche qu’il ait jamais eu depuis la disparition de sa mère – comme un ami.

« La même qu’il y a cinq ans, » grogna t –il.
Giles l’enveloppa d’une expression interdite. Puis sembla réaliser la signification de cet aveu.

« Mais elle est libre , à présent, » souligna t –il doucement.
« Oui. »

Ils restèrent côte à côte , unis dans un silence pensif. Puis Spike commença à parler.


Giles avait gardé un silence qui néanmoins n’était pas un désaveu , lorsque Spike avait confessé son désarroi , ses sentiments intenses et bafoués par une jeune fille qui n’avait pas réalisé l’aspect exceptionnel de leur rencontre. Il s’empressa d’ajouter qu’il avait réalisé que sa venue soudaine , et son comportement excessif avaient sans aucun doute perturbé Buffy.

« Il y a dans ton livre des passages qui n’ont rien à voir avec Drusilla, » dit Giles , quand Spike cessa de parler pendant plusieurs minutes.
C’était plus une question qu’une affirmation. Et Spike l’enveloppa d’un regard amer.

« Bien entendu. »
Il allait saisir la bouteille d’alcool encore une fois quand le bibliothécaire se leva d’un bond et la lui prit des mains .
« Çà ira pour ce soir ! Demain tu dois être au lycée , je te le rappelle. »

Il se leva et alla ouvrir un placard de cuisine.

« Ce verre qui reste est pour moi. Je l’ai mérité. »
Spike laissa échapper un grognement et un rire désabusé.

« Pourquoi ? Parce que tu es épouvanté par mes secrets ? »

Giles revint d’un pas tranquille , un verre rempli de liquide mordoré. Il se tint debout , avala une gorgée.

« Parce que je crois que les raisons de ta présence ici ne sont pas les bonnes. » répliqua t –il.
« Parce quelque part au fond de toi , William est bien vivant. »

* * * * * *

Non loin de là , Buffy assise dans le fauteuil qui ornait la terrasse de son petit appartement, contemplait les étoiles. La nuit était extraordinairement tiède et un vent de Sud-Ouest apportait les odeurs des collines et du désert.
Elle avait souvent ressenti ce vide , ce manque de .. quelque chose.. qui ferait vibrer son âme avec l’ âme de l’homme qui l’aurait aimée.. Ce soir , elle avait le sentiment d’être au bord d’un précipice.
Mais elle était prête à s’y laisser glisser , cette fois.
Son regard se perdit dans les faibles scintillements . Quand les premières larmes glissèrent sur ses joues , elle ne les arrêta pas.

Depuis la nuit où elle avait rêvé de lui , rares étaient les soirs où Spike n’apparaissait pas dans ses pensées , à l’instant où le sommeil l’emportait. Avoir lu son roman n’avait pas apporté beaucoup de réponses à ses questions.. cela en avait même créé d’autres. Elle était décidée cependant à le reprendre. Certains passages étaient si bouleversants qu’elle avait besoin de chercher à apprivoiser les mots comme pour adoucir leur brûlure.
Une ligne demeurait incrustée dans sa mémoire cependant.

'Enchanteresse , dans le filet de mes rêves tu es captive. Mon amour , mon âme naît et meurt par un battement de tes cils. Le soleil fait ta crinière chatoyante , toison qui éclaire la nuit. '

Se pouvait-il .. se pouvait-il que Spike ait ainsi parlé d’elle ?


A suivre.





You must login (register) to review.