Chapitre 21.


Spike termina de vérifier ses feuilles de cours pour le lendemain. Il se frotta la nuque avec un peu de lassitude. Depuis qu’il s’était remis à écrire , il se couchait tard plusieurs fois dans la semaine , et cette fatigue lui pesait aujourd’hui. Mais rien ne valait le sentiment de liberté et d ‘accomplissement que lui apportait les mots . Ses premiers poèmes étaient nés presque par hasard , un soir , après qu’il ait vécu une soirée exquise avec Buffy. Elle s’était endormie dans son lit , et il la contempla longuement.
Elle était d’une beauté émouvante , si radieuse, qu’il ne s’en lassait pas.
Le plaisir de la regarder avait donné lieu à l’envie d’écrire , et il s’était retrouvé , à minuit , réfugié dans son bureau où régnait encore un désordre alarmant , laissant courir sur le papier toutes les pensées vives qui brûlaient son âme .

Il n ‘ y avait rien de surprenant à réaliser qu’elle était son inspiration. Elle l’avait été pour son roman , l’avait été pour les poésies enflammées et enragées de William le ténébreux.
Comment ne l’aurait-elle pas été , maintenant qu’elle était devenue l’objet unique de ses pensées , la passion charnelle et amoureuse qu’il avait attendue et désespéré de retrouver , après elle.

Son éditeur l’avait rappelé une semaine auparavant , mais Spike déclina son offre de s’engager pour un second roman , expliquant qu’il voulait faire paraître un recueil de poésie d’ici la fin de la l’année.
Ils étaient en pourparlers pour une date de parution. Le recueil serait seulement d’une cinquantaine de pièces , et il songeait retravailler certains morceaux plus anciens , dans le projet de faire deux parties distinctes : le temps de la souffrance , le temps du bonheur.

Le sourire qui flottait sur ses lèvres s’effaça . L’arrivée de l’été signifiait aussi son départ de Sunnydale, et de cela , il n’avait pas encore eu le courage de parler à Buffy.

Il jeta un œil sur sa montre. Il était bientôt cinq heures et il lui avait promis qu’il l’emmènerait dîner à l’extérieur. Elle affichait un plaisir si rafraîchissant dans ces repas en tête à tête , qu’il s’était demandé plus d’une fois si cet imbécile d’ Angel s’était décemment occupé d’elle. Sans doute trop affairé à construire sa carrière , et à négliger la jeune femme qui réchauffait son lit.
Il s’aperçut qu’il avait serré si fort son crayon à papier que celui-ci venait de se briser. Il le jeta d’un geste sec dans la poubelle et se redressa , tirant son paquet de cigarettes de sa poche.
La nuit était presque tombée , et il ouvrit la fenêtre , faisant pénétrer un air frais dans la pièce.
Il fuma deux cigarettes , aspirant la fumée avec concentration. S’il voulait attraper Giles avant que ce dernier ne quitte la bibliothèque , il devait se dépêcher.


* * * * * * *

Spike trouva Giles le nez penché sur son ordinateur , comme si celui-ci était une bête qui serait venue l’importuner. Il n’était décidément pas fait pour certains progrès , se dit le jeune homme avec un sourire .

« Spike ! Cela fait longtemps, » dit Giles en retirant ses lunettes.

« Tu as l’air de souffrir, » remarqua le jeune professeur. « Tu as des difficultés ? »

« Oh , rien que de très banales problèmes pour rentrer des données. J’étais plus à l’aise avec mon cahier quand je n’avais qu’à inscrire les ouvrages. »

« Certes. Mais c’est beaucoup plus rapide. »

« Et beaucoup plus agaçant quand on fait une erreur. L’informatique ne pardonne pas aux débutants de mon espèce. »

Spike éclata de rire. « D’ici la fin de l’année , tu ne parleras plus comme çà ! »

A cette remarque , Giles regarda Spike d’un air un peu étrange et son regard se durcit. Mais Spike avait déjà tourné son regard vers les étagères .

« Je suis à la recherche de la biographie de Tennyson. Même si elle n’est pas complète , je prendrai ce que tu as, » dit –il en commençant à s’avancer vers les marches qui menaient à la plate-forme supérieure.

Giles remit ses lunettes et le suivit. Devant les ouvrages consacrés aux poètes du dix neuvième siècle il s’arrêta. « Avec quelle classe étudies-tu ? »

« Ma seule classe de première. J’ai un livre chez moi mais je n’ai pas réussi à mettre la main dessus. Il a dû rester dans la dernière caisse de livres que je n’ai pas encore ouverte, » dit-il avec un petit haussement d’épaules.

Giles avait saisi un livre un peu ancien , à la couverture bordeaux.

« Tiens, » dit-il.

« Oh , c’est l’édition de Lefourver , c’est la meilleure. »

« Naturellement, » dit Giles d’un ton très sérieux.
Il enveloppa Spike dans une expression un peu soucieuse.

« Tu voulais me demander quelque chose ? » demanda ce dernier.

Giles sembla sortir d’une réflexion profonde. « Hein ? Oh..hum.. non.. Enfin , si.. Jenny me demandait de vous faire la commission : viendrais-tu dîner à la maison avec Buffy , jeudi soir ? »

« Mais oui , avec plaisir. »

Ils redescendirent. « Il faut naturellement que je pose la question à Buffy. Nous ne resterions pas trop tard. »

« Oui , bien sûr , tu lui en parles et tu me donnes la réponse demain. Cela nous ferait plaisir. »

Spike hocha le menton et s’apprêtait à gagner la sortie quand la voix du bibliothécaire retentit à nouveau.

« Tout va bien entre vous , n’est-ce pas ? Je vous ai aperçus tous les deux de temps en temps , et vous avez l’air.. heureux. »

Il scrutait Spike avec une attention soutenue. Celui –ci se demanda brièvement qu’est-ce son ami avait en tête .

« Nous sommes heureux, » acquiesça Spike. Cependant le bleu de ses yeux était voilé. « Elle représente ce que j’attendais depuis cinq ans, » ajouta t –il d’une voix grave.

‘Alors pourquoi nous caches –tu des faits si importants comme ton futur départ’ s’écria Giles intérieurement.

« Bien , bien. C’est .. splendide , alors, » dit Giles. « J’espère que vous pourrez venir. »

Spike hocha la tête et fit un sourire. Mais il y avait un mystère dans cette conversation , une gêne , dont il n’arrivait pas à avoir d’explication. Malheureusement il ne pouvait pas rester s’il ne voulait pas faire attendre Buffy.

* * * * * *


Giles habitait dans un appartement confortable non loin de chez Spike. Et depuis que Jenny avait accepté de partager sa vie , un an auparavant , l’endroit avait perdu peu à peu son caractère de lieu pour célibataire. Un ensemble de touches féminines le rendait moins austère.

Assis autour de la table dans le salon , Buffy appréciait l’atmosphère chaleureuse qu’elle avait immédiatement ressentie en entrant. Giles était un hôte au charme discret , et Jenny était enjouée et souriante.

La conversation avait été amicale , roulant autour de sujets aussi variés que le lycée de Sunnydale où Buffy avait pris ses nouvelles fonctions , l’appréciation des élèves qui avaient Spike pour professeur , les voyages , la musique. Mais ce dernier n’avait pas semblé aussi détendu que Buffy aurait pu l’imaginer , dînant chez son ami de longue date. Son visage portait parfois un air pensif et quand elle avait essayé de capter son regard , il semblait chagriné par quelque chose. Elle comprit cependant assez vite qu’il ne pouvait s’agir d’un reproche envers elle puisqu’ils s’étaient rendus ici depuis l’établissement scolaire, après une séance de câlins dont elle gardait encore le souvenir comme une chaleur insidieuse qui la protégeait du froid extérieur.
Et quand elle l’accompagna à la cuisine pour débarrasser la table alors que Jenny installait les assiettes du dessert et que Giles s’affairait à sortir un gâteau du réfrigérateur , il l’avait enlacée avec une tendresse touchante , remettant en place une mèche de cheveux derrière son oreille et déposant un baiser d’une grande douceur sur sa tempe.

Maintenant ils savouraient la tarte au chocolat accompagnée de café , et Buffy sentait un profond bien-être l’envahir.

« Je devrais peut-être demander à maman de m’expliquer à nouveau les rudiments de la cuisine, » soupira t –elle avec un sourire en direction de Jenny. « Ce repas était délicieux , et cette tarte est un pêché à elle seule. »

« Eh bien je ne passe pas mon temps devant les fourneaux , mais je me débrouille, » reconnut la jeune femme brune. « D’ailleurs je crois que c’est quelque chose que Rupert apprécie. »

« C’est très agréable, » dit ce dernier en jetant un coup d’œil affectueux vers sa compagne, « Mais même si tu n’avais pas su comment faire cuire un œuf, je t’aurais demandé de vivre avec moi. »

Chacun éclata de rire. « Oh , c’est encourageant, alors ! » dit Buffy en fronçant son petit nez.

Spike la contempla avec indulgence. Elle était si belle et adorable dans tout ce qu’elle faisait. Elle leva ses beaux yeux verts à cet instant , et il lui sourit avec tout l’amour qu’il gardait en lui constamment . Mais il sentit le regard insistant de Giles et ses yeux se posèrent sur le visage soucieux de celui qu’il considérait comme une sorte de père et de frère , en même temps.

La soirée n’avait pas été aussi agréable pour lui et malgré ses efforts Spike n’avait pu se défaire d’un sentiment de culpabilité qui ne faisait que croître avec les heures. Il se leva et annonça qu’il allait fumer une cigarette . Jenny et Buffy lui firent un petit signe de la main , absorbées dans la description d’une recette.
Il sortit par la porte arrière de la cuisine et fut surprit de la fraîcheur de la nuit. Décembre commençait et même en Californie , cela restait le mois le plus froid de l’année. Après quelques bouffées de nicotine , il sentit la raideur de sa nuque s’apaiser légèrement. Il fit quelques pas dans le jardin , le ciel de velours sombre était pailleté de tant d’étoiles qu’il demeura plusieurs minutes la tête renversée . Le bruit de la porte de la cuisine le fit sortir de sa contemplation.
Giles se tenait sur le porche , la ligne de sa mâchoire tendue et une expression de dureté indéniable sur ses traits.

« Quand j’ai croisé le proviseur Wood , il m’ a appris une chose assez surprenante, » dit-il aussitôt en s’avançant à la hauteur du jeune professeur.
Celui-ci attendit qu’il continue. Mais il savait malheureusement ce qui allait suivre.

« D’après lui ton poste s’arrête à la fin de l’année scolaire. Et il n’ a jamais été question que tu prolonges. Ne crois-tu pas que tu aurais pu juger utile de m’en parler ? »

Spike termina sa cigarette et écrasa le dernier bout sous son talon. Les mains dans les poches ,il regarda Giles droit dans les yeux.

« Je comptais le faire.. d’ici Noël. Je suis désolé que tu l’apprennes de cette façon. »

« Tu es désolé ? désolé ? » dit Giles qui contenait sa colère. « Permets –moi d’en douter. Tu arrives comme une surprise extravagante, tu t’installes, tu fréquentes Buffy.. et tout çà sans préciser que tu as accepté un contrat de professeur pour une seule année ? A quoi joues –tu ? Que représente Sunnydale dans ta carrière ? »

« Je ne joue pas ! » dit Spike d’un ton vif , son visage fermé. « A quoi bon t’expliquer ? Je ne crois pas que tu comprendrais.. »

« Je t’en prie ! Tu m’ as avoué combien ton rêve depuis cinq ans avait été de revenir ici. Tu le fais mais pour une période limitée ? N’est-ce pas toi qui a reconnu combien tu voulais séduire Buffy ? Combien tu n’avais pas cessé de penser à elle ? Es-tu ici pour te venger de la souffrance qu’elle t’ a fait éprouvé il y a cinq ans ? »

Il y avait une incrédulité douloureuse dans la voix de Giles, et il regardait Spike comme s’il ne le reconnaissait pas. Le jeune homme baissa la tête , et son silence prit le poids d’un aveu terrible.

« Ne me dis pas çà, Spike. Ne me dis pas que ton seul objectif était de revenir et de voir si.. »

Il s’interrompit et retira ses lunettes qu’il se mit à frotter machinalement.

« Je voulais être à nouveau en sa présence, c’est vrai, » commença t –il d’une voix rauque, les narines frémissantes et le regard fixé dans le lointain. « J’ai rêvé tant de fois ce moment.. où elle serait libre de répondre à mon attirance. »

Il alluma une seconde cigarette et Giles attendit . « Cela n’avait rien à voir avec l’idée de me venger ! » assénât –il . « Je voulais me prouver qu’elle pouvait .. qu’elle pouvait.. » Sa voix s’étrangla et il se détourna avec brusquerie.

« Et pourquoi un séjour aussi court ? Pourquoi prévoir ta fuite au bout de neuf mois ? »

« J’avais peur, » souffla t –il en faisant face de nouveau à son ami. « Je croyais qu’une relation physique mettrait fin à mon tourment. Je ne savais pas.. je ne savais pas combien elle me bouleverserait.. »

« Cette explication n’est pas convaincante. Tu veux me faire croire que tu as cherché une relation sexuelle avec la jeune fille qui t’ a brisé le cœur, et que tu pensais t’en contenter ? »

Le visage de Giles portait encore tous les signes d’une fureur rentrée. Spike tressaillit quand il entendit l’expression ‘ relation sexuelle’ dans la bouche de son ami.

« Je suis amoureux d’elle depuis la première minute où elle est entrée dans mon champ de vision, » murmura t –il la voix hachée. « J’ai tout fait pour guérir depuis que je suis parti.. je croyais avoir réussi. Puis dès que je suis revenu , et qu’elle a accepté de sortir avec moi, de répondre à mes attentions.. je savais que ma douleur serait encore plus vive qu’il y a cinq ans. Et si j’ai choisi de ne rester que le temps de l’année scolaire c’était pour çà ! Je suis désespérément , irrémédiablement amoureux d’elle , et je n’ai jamais cru qu’elle pourrait me rendre mes sentiments. Alors j’ai décidé de prendre les devants. Nous aurions peut-être quelques mois de passion charnelle , et je partirais, avant qu’elle ne me fasse comprendre qu’elle ne pourrait jamais me rendre mon amour. »

Il finit sur une note si désabusée que Giles le regarda , interdit.

« Pourquoi Buffy ne pourrait-elle pas t’aimer ? » demanda t –il d’une voix plus compatissante.

Spike eut un rire qui ressemblait à un sanglot. « Je suppose qu’elle a aimé Angel si intensément. Et elle n’ a pas voulu de moi, dans le passé.. »
Giles se rapprocha et mit une main sur l’épaule de Spike.

« Tu as fait pas mal de choses stupides dans ta vie , mais cette décision bat tous les records , je pense. »

« Merci, » dit Spike avec une grimace.

« Oh de rien. » Il secoua la tête. « Tu es en train de me dire que tu étais prêt à connaître le bonheur de goûter à un aspect purement physique entre elle et toi , comme une sorte d’ultime cadeau, avant que la vie ne vous sépare à nouveau ? »

Spike leva des yeux bleus incertains vers lui et fit un petit mouvement du menton.

« Tu es vraiment.. stupide. » répéta t –il dans un soupir. « Car d’après ce que je vois , vous avez l’air de vivre une relation harmonieuse et vous donnez l’image d’un jeune couple comblé. Il me paraît évident que Buffy a des sentiments pour toi. »

Spike retourna à pas lents vers la maison. « Je le crois, » murmura t –il. «Nous sommes heureux. » Il reprit sa respiration et adressa à Giles un regard rempli d’incertitudes. « Et à présent je ne sais pas comment lui expliquer que je n’avais jamais l’intention de faire ma vie ici. »

« Mais as –tu reparlé à Wood ? peut-être qu’il considérerait la possibilité de te re proposer un enseignement en Août prochain . »

« Oui, c’est probable. Je suppose que je n’ai pas eu de difficulté aussi en raison de la publication de mon livre. Mais tu sais.. j’ai toujours souhaité obtenir une place de maître assistant. Et l’année dernière j’ai fait une demande à l’Université de Californie à Santa Barbara. Je suis attendu à la rentrée prochaine. Je ne peux rompre mon engagement. »

Giles l’enveloppa d’un regard préoccupé. « Il faut que tu parles à Buffy le plus tôt possible. Ce serait désastreux si elle l’apprenait comme je l’ai fait. »

« Wood m’ a promis qu’il n’ébruiterait pas la nouvelle, » dit Spike en fronçant les sourcils. « Du moins pas avant le printemps. Comment se fait-il qu’il t’ai mis au courant ? »

« C’était un peu involontaire de sa part. Peut-être s’imaginait –il que j’étais dans la confidence, il connaît nos liens. Je faisais allusion à un nouveau programme de recherche mis en place à la bibliothèque pour les années à venir , et il s’est aussitôt exclamé que tu n’aurais pas l’opportunité d’en profiter. »

Spike avait les traits sombres. Il poussa la porte de la cuisine et Giles le suivit.

« Je vais ranger deux ou trois choses , » dit-il . « Je vous rejoins dans un instant. »

« Entendu. »


Jenny et Buffy s’étaient réfugiées dans le petit salon , où un feu de cheminée envoyait ses éclats mordorés sur les murs , les meubles. Assises dans un sofa moelleux , Buffy , à la demande de la jeune femme, revenait sur les causes du départ d’Angel.

« J’ai peu à peu réalisé que j’étais très naïve, » dit Buffy , les yeux suivant la danse des flammes. « Le fait qu’il était plus âgé que moi m’influençait sans doute. Il y avait un certain nombre de choses qui n’allaient pas, mais je me raccrochais à ce qui me donnait du bonheur. »

« Un premier amour vous fait connaître des émotions uniques, » dit Jenny doucement. « Cela ne signifie pas qu’il est ce qui est le mieux dans une vie, bien au contraire. Et un matin on se rend compte que l’on a oublié. »

« Angel .. Angel ne s’oublie pas, » murmura Buffy avec une note d’amertume.

Spike allait franchir le seuil de la pièce , après avoir passé une minute à contempler la beauté radieuse de son amour. Dans les lueurs du feu , sa silhouette , sa chevelure , paraissaient nimbées d’un voile de lumière. A l’écoute de ses mots , il lui sembla qu’on le poussait dans un gouffre sans fin. Tout le sang se retirait de ses veines et il blêmit. Faisant demi-tour en silence il se dirigea lentement vers la salle à manger où il alla se tenir, dans une immobilité de statue , en face de la fenêtre. Cette blessure.. cette blessure qu’il venait de recevoir par la bouche même de sa bien-aimée lui mordait les entrailles. Il s’appuya à la poignée de la fenêtre , cherchant à retrouver une respiration plus calme. Mais chaque fois qu’il gonflait ses poumons , il avait l’impression qu’ils étaient en feu.

Dans le petit salon , Buffy avait repris la parole.
« Oui , Angel demeure dans un recoin de mon esprit, » continuait-elle , la voix plus grave. « Mais comme l’image de toute la passion qu’il n’ a pas su me donner , et que j’ai eu l’innocence d’attendre. Le symbole de mes erreurs de jeunesse. »

Jenny l’observait avec une attention affectueuse. « Je n’ai jamais tellement apprécié Angel, » dit-elle avec un petit sourire d’excuse. « Trop imbu de lui-même , et trop arrogant vis à vis de toi. Quand Giles m’ a dit qu’il était parti à Los Angeles , j’ai pensé que c’était une bonne chose pour toi. Ne m’en veux pas.. »

« Oh je ne t’en eux pas ! » s’écria Buffy. « Notre couple se détériorait depuis plusieurs mois. S’il n’avait pas choisi de me quitter , je l’aurais fait. Je suppose qu’il a été amoureux de moi , mais il ne m’ a jamais comblée. »

« Tandis qu’un certain William Kensinton , terriblement séduisant et fascinant, remplit ce rôle à merveille , on dirait, » dit Jenny d’un ton enjoué.

Buffy eut la délicatesse de rougir adorablement. « Oui, » souffla t –elle. Le bonheur le plus pur éclatait dans toute la pose de son corps. « Nous sommes si heureux.. Je ne savais pas que.. je ne savais pas qu’on pouvait éprouver un amour aussi puissant pour un homme, » chuchota t –elle, comme si ces révélations l’effrayaient.

Elle réalisa que , pour la première fois , elle venait de parler de ses sentiments pour Spike à voix haute.

« C’est merveilleux, » dit Jenny.

Buffy se redressa vivement. « Cela fait longtemps qu’ils ont disparu, » remarqua t –elle. « Cela correspond à au moins trois cigarettes, » ajouta t –elle en s’en allant. « Il est temps que je le retrouve. »

Jenny se leva à son tour et la suivit avec un sourire.
Dans l’autre pièce , les deux hommes terminaient de vider la table. Jenny s’empressa de gronder Spike gentiment. « Nous nous débrouillerons très bien pour ranger tout çà tout à l’heure, » s’exclama t –elle. « Je ne veux pas vous chasser mais je sais que vous commencez tôt tous les deux demain matin. Alors si vous voulez y aller , ne vous gênez pas. »

Spike se tourna vers elle et lui fit un sourire qui n’atteignait pas ses yeux. Buffy vint lui prendre une main , il la saisit entre les siennes mais ne la regarda pas.

« Nous avons passé une charmante soirée, » dit-il . « Mais nous avions prévu de ne pas rentrer trop tard , en effet. »

Les bonsoirs furent échangés avec chaleur . Jenny répéta qu’elle les inviterait à nouveau, en attendant que Buffy apprenne deux ou trois recettes. Les deux femmes se quittèrent dans une bonne humeur enjouée , tandis que les hommes échangèrent une poignée de main silencieuse.


* * * * * * *
Elle respecta son silence sur le chemin du retour. Mais quand il prit la direction de l’appartement de la jeune femme , elle pensa qu’il allait simplement la déposer. Il était presque minuit.
Quand il arrêta le moteur de la voiture , elle se tourna vers lui et posa une main sur sa cuisse , la sentit frémir sous ses doigts.

« Veux-tu.. veux-tu monter ? » Elle fut surprise quand il demeura un instant sans répondre , puis tourna un visage empreint d’une gravité douloureuse vers elle. Caressa ses cheveux d’une main légère , s’attardant sur la ligne gracile de son cou .

« Spike ? »

« Oui , amour. »

« Dis-moi ce qui te préoccupe.. »

Son regard perdit son aspect trouble et il eut un sourire mélancolique.
« Rien qui vaille la peine d’être évoqué maintenant, » dit-il avec douceur. Il se pencha vers elle , et l’attira vers lui en posant ses doigts sur sa nuque. De son autre main , il caressa le creux de sa taille. Elle accueillit son baiser avec un petit soupir , à la fois soulagement et désir , et il captura ses lèvres avec plus de force. La main qu’il gardait sur sa hanche semblait brûler la chair de Buffy à travers le tissu de sa robe , et en chaque point où leurs corps s’épousaient elle savait que son cœur battait.
La douceur soyeuse de sa bouche si caressante eut raison de sa patience. Elle balbutia contre sa bouche : « Viens.. Viens, chéri. »

Ces mots , murmurés de la voix de gorge qui le plongeait dans l’émoi le plus parfait, toujours, le firent frissonner intensément. Il continua à prendre possession d’elle avec une bouche dévorante et quand il redressa son visage , ferma brièvement ses paupières. Tenant son visage entre ses paumes , Il passa ses pouces lentement le long de ses tempes. Sous le faible éclairage d’un lampadaire, il distinguait la clarté irisée de ses yeux amandes.

« Tu m’acceptes ? » demanda t –il , comme si sa requête avait un caractère exceptionnel.

« Oui. Je t’accepte, et je te veux. » Elle eut un sourire rêveur en suivant la ligne de sa mâchoire.
« J’ai besoin de toi, » souffla t – elle presque timidement.



Dans la chambre , ils se déshabillèrent en prenant leur temps. La pleine lune déversait un rayon laiteux ,étincelant de blancheur, entre les interstices des stores ,et quand ils furent nus tous les deux , il l’allongea sur le lit avec des gestes révérends.

Il entra en elle dans un mouvement lent , et des lèvres entrouvertes de Buffy s’exhala le son le plus doux.

Les yeux fermés , il n’écoutait que les sensations bouleversantes d’être enfoui dans sa chaleur soyeuse , et le bonheur pur de vivre dans son intimité pour quelques minutes hors du temps, le coeur étreint.

A suivre.





You must login (register) to review.