Chapitre 23.


Buffy , Tara et Willow s’étaient donné rendez-vous en ce Samedi en début d’ après-midi et depuis bientôt deux heures qu’elles parcouraient les magasins , leur bonne humeur et leur entrain ne s’étaient pas refroidis. En ce début Décembre , les vitrines devenaient une tentation à laquelle il était difficile de résister . Buffy avait trouvé pour sa mère une écharper en soie rouge vif, ainsi qu’un parfum. Elle avait profité de la présence de ses amies pour les inciter à choisir quelque chose qui leur conviendrait à toutes les deux. Et cela avait pris beaucoup plus de temps que prévu.
Enfin , dans une originale boutique de décoration , elles s’étaient extasié sur une petit lampe au pied peint de dessins orientaux , et le cadeau avait été emballé.

« Je suggère une petite pose, » dit Willow en étouffant un bâillement.

« Une pause du genre alimentaire ? » pouffa Tara en prenant la jeune femme rousse par la taille.
Celle –ci appuya un instant son visage contre l’épaule de son amie .

« Oui, avec chocolat et autres douceurs , » répliqua t –elle. « Qu’en dis-tu , Buffy ? »

Celle-ci était perdue dans la contemplation d’une série d’objets, et ne réagit pas immédiatement. Il y avait quelques jours de cela elle avait évoqué Noël avec Spike et il avait dit avec nonchalance qu’il n’avait pas besoin de chercher ce qu’il tenait à lui offrir.. Mais alors qu’elle lui demandait ce qu’il pourrait lui faire plaisir , il l’avait embrassée avec volupté. Et la conversation avec cessé.
Aujourd’hui elle aurait aimé trouvé le cadeau qui lui conviendrait le mieux, et ce n’était pas facile.

« Oh oui.. oui , bonne idée ! » dit-elle en rejoignant les jeunes femmes. « J’ai besoin de souffler un peu. »

« Et puis même si tu n’as pas fini tes achats , ce n’est pas grave » , souligna Willow. « Noël est encore dans deux semaines. »

« Oui. Mais j’aurais volontiers fait un saut à Victoria Secret. »

« Victoria Secret ? » répéta Tara avec une lueur espiègle. « Alors c’est indispensable. Dès que nous avons repris des forces , nous t’accompagnons. »

Buffy rougit à peine. Elle avait en tête l’achat d’un ensemble de lingerie très révélatrice , et Willow et Tara savaient parfaitement à quoi s’en tenir. Elle s’engouffrèrent dans un café et trouvèrent une table après quelques minutes d’attente. A cette heure de l’après-midi , elles n’étaient les seules à vouloir se réchauffer . Se débarrassant de leurs manteaux , elles prirent place sur la banquette de velours et le petit fauteuil qui étaient disposés autour de la table ronde.
Cet endroit était confortable , sans être d’un luxe écrasant. Ils servaient des boissons chaudes et froides à toute heure , mais leur succès venaient des pâtisseries irrésistibles qu’ils présentaient au moment du goûter.
Willow retira son écharpe et se frotta les mains.

« Quelle fraîcheur ! Ne fait-il pas moins froid d’habitude à cette époque de l’année ? »

« C’est peut-être toi qui es fatiguée, » dit Tara d’un air soucieux. « Je trouve qu’il fait plutôt doux. »

Buffy acquiesça. « Oui , cela n’a rien d’extraordinaire. Mais j’ai quand même besoin d’un chocolat chaud. »

Une serveuse s’approcha et prit leur commande. Avec leur thé et lait chaud , elles ne résistèrent pas et demandèrent trois parts de gâteau au praliné. Quand elles virent arriver les portions énormes, recouvertes de sauce au chocolat , elles furent prises d’un fou rire.

« Ce n’est peut.. peut-être pas la meilleure idée de manger çà avant d’aller dans une boutique de lingerie. »

« Eh bien nous n’irons pas ! » répliqua Willow avec gaieté. « Nous avons très peu déjeuné, pas de culpabilité à dévorer ces merveilles ! »


Buffy contemplait son assiette avec gourmandise et un peu d’incrédulité. Elle ne savait pas si elle pourrait avaler tout cela. Elle songea qu’elle aurait aimé voir Spike la rejoindre. Ils auraient dégusté cela à deux, il lui aurait donné quelques cuillères et l’aurait regardé manger.. A cette pensée d’intenses frissons la saisirent et elle éprouva une envie violente de l’avoir auprès d’elle.
Il n’y avait pas un jour où ils ne se voyaient pas, ne se touchaient pas. Et une après-midi entière loin de lui exacerbait ses désirs. Mon Dieu.. si elle l’osait elle l’aurait appelé. Mais il avait expliqué qu’il consacrait une grande partie de son Samedi à écrire et qu’il avait besoin de toute sa concentration.

Depuis un certain temps elle avait constaté combien son regard devenait absent parfois , combien ses pensées semblaient s’échapper loin du présent qu’ils partageaient. Et cette semaine , il avait expliqué qu’il devait écrire. Devant l’étonnement de Buffy à l’emploi du mot ‘ devait’ , il avait souri , puis expliqué tendrement que l’inspiration était comme un cheval sauvage , capricieux et que , lorsqu’on avait réussi à le dompter pour un temps , il fallait saisit la chance de le plier à ses besoins.
Il avait parlé d’une voix profonde , grave , et elle l’avait écouté , subjuguée. Elle respectait cela , et avait annoncé qu’elle se distrairait avec Willow et Tara.
Imaginant sa bouche sur la sienne , elle porta à ses lèvres le premier morceau de pâtisserie et ses sens furent assaillis de plaisirs au contact de la pâte moelleuse et parfumée.
Elle laissa échapper un petit gémissement.

Tara et Willow échangèrent un regard entendu et cachèrent un sourire. Puis pendant les instants suivants , chacune se plongea dans la dégustation religieuse de ces douceurs .
De l’autre côté de la salle un homme brun aux yeux sombres observait les trois jeunes femmes , et suivait avec fascination la façon sensuelle que déployait la plus éblouissante pour manger .


* * * * * *

Spike se frotta la nuque. Il était satisfait de ce qu’il avait écrit et ferma le document, qu’il archiva dans le dossier intitulé ‘Poésie : 2-Brumes’.
Il se leva et alluma une cigarette puis entrouvrit la fenêtre de son bureau. Pendant plus d’un an et demi il n’avait pas touché un crayon ou son clavier d’ordinateur , et depuis plus d’ un mois , les mots venaient sans cesse , à tout moment , et ne lui laissant pas d’autre choix que d’écrire. Il avait promis à son éditeur une cinquantaine de poèmes pour le recueil , et s’il continuait sur ce rythme , il lui faudrait faire un choix draconien. Mais Buffy ne quittait pas ses pensées , et les poèmes naissaient aussi facilement que les papillons au mois de Mai. Ou les larmes sur les joues d’un enfant malheureux.

Il marchait sur une corde raide. Ne pas oser parler de son amour représentait une souffrance qu’il domptait par les mots. Mais il ne pouvait continuer ainsi .


Il jeta un coup d’œil sur sa montre. Elle avait dû terminer ses achats et serait sans doute bientôt chez elle. Il avait suggéré de retourner au club dansant à Los Angeles , lieu de leur premier vrai rendez-vous. Ils devaient se retrouver au Bronze à sept heures pour prendre un verre.

Peut-être ce soir , dans les bras l’un de l’autre , comprendrait-elle qu’il était devenu le gardien de son âme , il était celui qui l’aimait le plus en ce monde.. Il lui appartenait.
A l’idée de déclarer enfin cet amour qui le tenait éveillé avant l’aube , il éprouva un sentiment de paix et de crainte.

Il décida de relire ce qu’il avait écrit . Il avait encore du temps devant lui.


* * * * * *

Les jeunes femmes ne se décidaient pas à quitter les lieux. L’atmosphère charmante et tranquille les incitèrent à prolonger encore un peu leur pause , puis finalement Tara et Willow se levèrent , expliquant qu’elles allaient en définitive rentrer au campus , ayant encore des livres à étudier pour le Lundi. Buffy les regarda partir avec un sourire heureux. Elles offraient l’image d’une plénitude qu’il était difficile de ne pas admirer. Elle enfila sa veste et s’aperçut que l’après-midi tirait à sa fin et elle tenait vraiment à faire un saut dans la boutique de lingerie. D’un pas rapide elle prit la direction de Victoria Secret et demeura un instant devant la vitrine . Une chemise de nuit au voile blanc arachnéen avait retenu son attention. Sans plus tergiverser , elle entra.

Perdue dans ses pensées , songeant à la réaction de Spike quand elle enfilerait le négligé à la transparence suggestive et à la longueur coquine , elle poussa un petit cri de surprise quand, sortant du magasin , elle rentra de plein fouet dans la poitrine large d’un homme.

« Oh je suis désolée.. ! » balbutia t –elle en relevant ses yeux clairs sur celui qu’elle avait négligemment bousculé. Et fut stupéfaite de reconnaître les prunelles chocolat. Son regard était rempli d’un amusement tendre et elle tressaillit quand elle sentit ses mains qu’il avait placées sur ses épaules pour la retenir. « Angel ? »

* * * * *


Le Bronze était exceptionnellement calme en ce début de soirée et Spike s’installa à l’une des premières tables qui permettaient d’avoir une vue directe sur l’entrée . Il était arrivé pensant être en retard et fut très surpris de constater l’absence de Buffy. Il s’assura auprès du barman qu’elle n’était pas déjà arrivée. Le jeune Frank connaissait la jeune femme qui était venue si souvent avec ses amis, et de nombreuses fois avec Spike.
Mais il affirma qu ‘elle ne s’était pas approchée pour lui dire bonsoir - comme elle le faisait systématiquement avant de prendre place à leur table favorite .

Une demi heure s’écoula et son impatience ne fit que croître. S’y mêlait un malaise insidieux, inexplicable , qui l’agaça et il commanda un whiskies. Il n’avait cependant pas l’intention d’être déraisonnable puisque ils allaient prendre la route. Autour de lui la salle se remplissait de la clientèle du Samedi soir : beaucoup de lycéens , des jeunes de l’Université aussi. Il se cala en arrière sur son siège et alluma une cigarette. Il se donna mentalement le temps de la fumer avant de s’inquiéter officiellement et d’appeler Buffy. Mais elle refusait d’avoir un téléphone portable et il était toujours impossible de la joindre en déplacement.
Il regretta de ne pas l’avoir appelée aussitôt après être arrivé , en constatant qu’elle n’était pas là.
Plus troublé qu’il ne voulait le reconnaître ,il écrasa la fin de sa cigarette dans le cendrier et fouilla l’intérieur de sa veste à la recherche de son propre téléphone. .. pour se rendre compte qu’il l’avait oublié. Se levant avec brusquerie , il allait gagner la sortie quand il croisa une jeune fille qui n’était autre que l’ une de ses élèves , Cynthia.
Elle l’avait reconnu et lui fit un petit signe de la main. Il s’approcha avec un sourire.

« Bonsoir, » dit-il d’une voix mélodieuse qui sembla l’émouvoir.

« Oh, bonsoir Monsieur Kensinton, » souffla Sandra avec un regard timide. « Vous partez déjà ? »

« J’avais rendez-vous avec Buffy, » dit-il. « Mais elle est très en retard , et je m’aperçois que je n’ai même pas mon portable.. » expliqua t –il.

« Oh.. » Elle abaissa les yeux quelques instants puis murmura : « Je peux vous prêter mon téléphone si vous voulez. »

« Oh ? Eh bien oui.. c’est très gentil. » Elle sortit l’appareil de son sac , appuya sur les touches pour le mettre en route. « Tu es avec des amis ? » demanda t –il.

« Oui, mais je suis toujours la première, » expliqua t –elle avec un petit haussement d’épaules. Elle lui tendit l’appareil.


« Merci. J’en ai pour une minute , je suis presque sûr qu’elle est en route et que çà ne répondra pas chez elle, » ajouta t –il avec un petit clin d’œil.

Cynthia hocha le menton en rougissant , et il composa le numéro. Elle l’observa alors qu’il attendait , son beau visage un peu penché. Au bout de plusieurs sonneries , et alors qu’il allait raccrocher , une voix retentit de l’autre côté .

« Angel Crawford. »

Spike crut avoir mal entendu. IL quitta instantanément son attitude nonchalante , et sous les yeux stupéfaits de la jeune fille , tout son corps se tendit , ses épaules devinrent rigides , sa mâchoire serrée , ses narines dilatées.

« Pourrai-je parler à Buffy ? » demanda t –il la voix rauque, contrainte.

Il entendit un mouvement étouffé et Angel ne répondit pas immédiatement. « Je crains que ce ne soit un peu difficile pour l’instant. Elle est.. occupée. »

Spike faisait son possible pour deviner les bruits en arrière-fond , mais seul le souffle haï d’Angel s’entendait à travers l’écouteur. « Je crois même qu’elle est plutôt.. déshabillée. » ajouta t –il avec un rire stupide. « Qui la demande ? »

Blême , le cœur cognant violemment dans sa poitrine , Spike coupa la communication.

« Tiens , je te remercie beaucoup, » dit-il à Cynthia d’un ton fermé.

Elle ne comprenait pas ce qui avait pu se produire. En quelques minutes , elle avait eu devant elle un homme heureux aux yeux gorgés de lumière qui s’était transformé en une créature pétrie de rage, et dont le regard ne contenait plus qu’un éclat froid , presque.. meurtrier.

« Mais je vous en pr.. »

Il partait à longues enjambées et elle le vit disparaître dans un mouvement de grâce féline , sa veste de cuir noir virevoltant derrière lui. Interloquée , elle chercha à imaginer qui avait pu lui répondre.
Etait-ce un autre homme ? Mais quelqu’un pouvait bien répondre au téléphone chez quelqu’un d’autre , sans que cela ne veuille rien dire..

Par la porte un groupe de jeunes gens arrivait et elle agita son bras. Soudain elle n’avait plus envie de s’amuser.


* * * * *


Chez elle , Buffy était au comble de l’énervement. Après la première surprise d’être tombée nez à nez sur Angel et après qu’il ait insisté pour parler avec elle un moment, elle s’était vite rendue compte qu’elle avait eu tort de l’écouter. La conversation avait été des plus froides et impersonnelles de son côté. Cela ne sembla pas le décourager et il murmura à plusieurs reprises combien elle était belle , combien elle lui avait manqué.
A la troisième identique remarque , la jeune femme avait explosé.

« Je ne sais pas pourquoi tu es à Sunnydale, mais je te rappelle que c’est toi qui a pris la décision d’interrompre notre relation il y a un an et demi. Ma vie est différente , je suis heureuse , et tu n’en fais plus partie. »

Angel l’avait contemplée en silence. Debout devant lui , ses yeux verts scintillants de colère , elle était la jeune fille dont il était tombé amoureux dans un passé qui prenait des saveurs amères et douces. Il avait pris son amour pour quelque chose de naturel et avait couru derrière l’illusion d’une vie plus palpitante à Los Angeles. La revoir lui permettait de mesurer ses erreurs , s’il en était vraiment besoin. Il reconnut en son for intérieur que les whiskies qu’il avait avalés en la regardant avec ses amies , plus celui qu’il avait pris alors qu’elle avait accepté de s’asseoir quelques instants avec lui, n’arrangeaient pas son état.

« Partir a été .. stupide, » reconnut-il. « Mais à l’époque j’étais persuadé que notre couple ne pouvait pas aller plus loin.. »

« Et tu avais raison, » assénât –elle. « Les derniers mois nous n’avons cessé de nous éloigner l’un de l’autre. »

« Cela veut dire que tu ne regrettes pas ? » questionna t –il , son regard soudain voilé.

Elle réprima un soupir d’agacement. Comment faire comprendre à Angel sans être délibérément désagréable , que son départ et sa trahison avaient plus ébranlé sa confiance en elle que malmener son cœur ? Et même si pendant les mois qui avaient suivi leur séparation elle s’était renfermée , blessée et amère , elle savait maintenant la saveur de l’amour véritable et cela ne pouvait pas se comparer aux sentiments un peu naïfs et aux instants de bonheur tiède qu’ils avaient partagés.

Non , l’amour , le seul amour était celui qu’elle connaissait quand elle se noyait dans le bleu des yeux de Spike, quand il lui promettait une éternité de baisers et la chaleur sûre de ses bras chaque fois qu’elle en avait besoin, quand elle trouvait le sommeil contre sa poitrine , écoutant battre son cœur, écoutant le son le plus magnifique qu’étaient les battements réguliers d’un cœur fervent.

Elle se leva avec brusquerie , d’une impatience soudain brûlante de poser sa joue contre l’épaule de l’homme qu’elle aimait.. et qui l’ignorait encore.
Que faisait-elle là ? Que faisait –elle à écouter des regrets inutiles alors que son William ne savait pas qu‘elle mourait d’amour pour lui ?

Elle ramassa ses affaires et balbutia : « Je dois te laisser. Il est vraiment tard. »


Il se leva à son tour et elle nota son pas mal assuré , grimaça.

« J’ai une journée bien remplie, j’ai hâte de rentrer chez moi, et je dois me préparer pour sortir, » fulmina –elle. « Es-tu en voiture ? Es-tu chez ton père ? »

« Oui, ma voiture est dans le parking. Je peux te déposer chez toi ? » dit-il avec une mine qui avait perdu de sa superbe.
« Cela m’arrangerait, » reconnut-elle arrangeant ses nombreux paquets. « J’étais avec Willow et Tara mais elles sont reparties. »

« Je sais.. je vous ai vues , tout à l’heure. »

Elle le regarda d’un air soupçonneux. « Tu m’espionnais ? »

« Abso.. absolument pas ! » se récria t –il la main sur le cœur. « J’étais là par hasard.. pour me changer les idées.. » L’expression de son regard devint plus sombre. « Et j’étais déjà chez Shutters quand vous êtes arrivées. »

« Alors cela signifie que tu m’as suivie ensuite ? »

Elle gagna la sortie en marchant d’un pas vif et il courut pour être à sa hauteur. « Non.. ! »
Elle lui lança un œil flamboyant. « Bon.. oui. Mais cela fait si longtemps , Buffy. Je voulais te parler un peu.. il n’ y a pas de mal à çà. »
« Nous avons parlé, tu m’as vue , je t’ai vu , maintenant j’apprécierais beaucoup que tu me déposes à la maison car je suis terriblement en retard . »


C’est elle qui avait pris le volant une fois qu’il avait avoué avoir beaucoup bu. Et Buffy avait dû conduire sur la chaussée mouillée par une pluie battante , elle qui redoutait par dessus tout de se tenir derrière le volant dans n’importe quelle circonstances. Devant son appartement , force lui fut de constater que le grand avocat Angel Crawford n’était guère en état de se rendre de l’autre côté de la ville dans le quartier luxueusement résidentiel où vivait son père.

« Buffy, » avait-il dit d’une voix sourde. « Tu dois te préparer pour une soirée avec.. un homme ? »

« Oui. » dit-elle en levant les yeux aux ciels. « Et il est plus de sep heures moins le quart à présent, alors dis-moi que tu vas être raisonnable et appeler un taxi ? Tu viendras reprendre ta voiture demain matin ? »

« Je le connais ? » demanda t-il , les yeux rétrécis.

« Peu importe ! » Elle descendit .

« Tu ne m’as pas demandé pourquoi j’étais là ce week-end.. » reprit-il en passant une main sur son front. Tout à coup elle fut frappée par son allure abattue. « Je venais voir papa.. Il est atteint d’un cancer , et il est en phase terminale et.. » Sa voix trembla. « Je ne veux pas aller chez lui. La maison est vide. J’ai passé une partie de la journée à l’hôpital et ensuite je suis allé faire un tour. »

Le cœur de Buffy se serra. Elle avait fort peu rencontré Benjamin Crawford, mais se souvenait de lui comme d’un homme affable , à l’apparence un peu austère. Il n’avait pas soixante ans , sans doute.

« Mon Dieu.. Angel , je suis désolée, » souffla t –elle. « Veux-tu monter ? Tu te reposeras un instant et tu appelleras une voiture. »

Et c’est ainsi qu’ Angel se retrouvait assis dans son canapé au milieu de son salon , alors qu’elle se précipitait dans la chambre pour enlever ses chaussures et sortir la robe, un fourreau rouge , qu’elle avait sélectionné. Elle appela en vain Spike chez lui et pensa qu’elle avait dû le manquer de peu. Quant à son portable , il se mettait obstinément sur la messagerie.

« Ecoute », dit-elle à Angel qui était visiblement sous le coup de multiples émotions sans compter l’effet des verres d’alcool successifs , « Il y a un hôtel à deux pâtés de maisons. Si tu sens mieux dans une heure , tu n’as qu’à t’y rendre. Je vais me doucher. »

Il la regarda avec une faim douloureuse et elle maudit la faiblesse qui l’avait faite accepter de s’asseoir en face de lui un peu plus tôt dans l’après-midi. Il la regarda partir et respira l’effluve de son parfum.
Elle allait rejoindre un homme.. un homme chanceux, dont il avait tenu la place il n’ y avait pas si longtemps de cela. Mesurait-il son bonheur ? Connaissait-il le trésor que représentait Buffy Summers ?
Il se leva d’un pas chancelant et se posta devant la fenêtre où l’eau ruisselait. Sa nuque était douloureuse et jamais il ne s’était senti aussi désemparé. Les heures passées au chevet de son père avaient été si épuisantes. Il aperçut plusieurs bouteilles rangées soigneusement sur la banque qui séparait le salon de la cuisine et , ouvrant au hasard un placard , saisit un verre qu’il remplit aux trois quart.

L’alcool apaisait son tourment. Assis sur le fauteuil , la tête renversée sur le coussin , il entendait encore le bruit de la douche.
Buffy..
Sa Buffy se faisait belle pour les attentions d’un autre.
Il éprouva une douleur violente et eut un rire désabusé. A cet instant le téléphone sonna.

« Angel Crawford, » dit-il la voix un peu pâteuse, après plusieurs sonneries insistantes.

« Pourrais-je parler à Buffy ? » demanda une voix masculine profonde , après quelques secondes de silence.


Il venait de reposer l’appareil sur son socle quand il entendit la porte de la salle de bain s’ouvrir.
Un mal de tête lancinant lui broyait les tempes.
Quelques instants plus tard , une Buffy éblouissante de beauté fit son apparition sur le seuil de la pièce.Il cligna des paupières et la regarda s’approcher.
« Tu es superbe, » balbutia t –il. Il voulut reprendre son verre et le manqua. Celui vint rouler à terre sur l’épais tapis. Dieu merci , il était vide.

« Et toi tu es ivre, » répliqua t –elle , exaspérée. « Angel, tu devais être raisonnable. Que vais-je faire de toi maintenant ? Je suis plus qu’en retard , il fait un temps affreux , et tu n’es pas en état pour rentrer ! »

Elle se tint une minute devant la fenêtre. La pluie avait l’air de se calmer un peu mais elle se demanda s’il était bien raisonnable d’aller jusqu’à Los Angeles. Et Spike devait vraiment demander ce qui lui était arrivé, elle n’avait jamais plus d’une demi heure de retard. Elle saisit le téléphone et composa encore le numéro de son portable. Pourquoi , mais pourquoi ne répondait-il pas ? Et si il avait eu un accident avec cette pluie ?

Elle essaya de se calmer . La présence d’Angel, affalé au milieu du sofa , ne lui facilitait pas les choses.

« Oh.. quelqu’un vient d’appeler, » murmura t –il. « Un homme.. Peut-être que c’était ton rendez-vous ? » Il avait les yeux troubles et son haleine était décidément désagréable. Mais elle tressaillit en entendant les nouvelles.

« A t –il précisé qui il était ? » demanda t –elle en se penchant un peu vers lui , essayant de capter son regard. Elle avait le terrible pressentiment que c’était Spike.

« Non.. » pouffa t – il avec un hoquet. « Il a demandé à te parler.. et je lui ai dis.. Hic ! » Il mit une main devant sa bouche , confus. « Je crois que j’ai vraiment ab.. abus.. abusé ! »

« Oh , mais qu’ as tu dit ? » s’écria t – elle en se redressant et en saisissant une veste de velours noire qui complétait admirablement l’ensemble.

« Que tu n’étais pas disponible. » Sur un dernier hoquet , il sembla s’évanouir.

Buffy était persuadée qu’il s’agissait de Spike. Il avait dû s’inquiéter , avait dû vouloir connaître la raison de son retard. Et il avait entendu.. Mon Dieu.. Angel avait-il dit son nom ?

Affolée , elle essaya de le secouer. Mais l’alcool semblait avoir définitivement eu raison de lui et il dormait . Elle arracha une feuille au bloc de la cuisine et griffonna quelques mots. Elle lui demandait de rentrer où bon lui semblerait dès qu’il se réveillerait, qu’elle ne voulait pas le trouver chez elle le lendemain matin , et qu'il remette les clés de son appartement à la voisine du premier , qui en avait l'habitude.
Puis elle partit en claquant la porte. Les murs tremblèrent , mais Angel ne broncha pas.


* * * * * *

Spike demeura un temps indéterminé assis dans sa voiture , les mains crispées sur le volant. Il ne pouvait pas croire que Buffy l’ait oublié pour accueillir Angel. Il gardait les yeux fermés et tentait de calmer le sang qui battait à ses tempes.
Mais la réalité était là . Elle l’avait conduit dans sa maison. Ils étaient chez elle , tous les deux.. Son premier instinct avait été de conduire et de les confronter. Puis il n’en eut pas la force.
Il n’en avait pas la force.

Dans son esprit tourmenté cette nouvelle prenait l’aspect d’une vague immense , noire , grondante , qui balayait son courage.

Il songea que si Buffy ouvrait la porte .. et qu’il trouve Angel confortablement installé.. satisfait.. il serait capable de le tuer.
La douleur affluait en vagues toujours plus puissantes et il réprima un gémissement de détresse.
Il étouffa les protestations de son cœur qui lui chuchotait que Buffy ne pouvait pas le trahir ainsi.

Les mains accrochées au volant , il appuya sur l’accélérateur , indifférent à la pluie qui noyait la chaussée. Dans un crissement de pneus, la voiture bondit sur l’asphalte luisant.


A suivre.





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