Chapitre 6.



La veille de la rentrée elle téléphona à Willow. Celle-ci était également tout excitée à la perspective de dévoiler son savoir-faire en matière d’informatique. Elle n’aurait que quelques heures de cours par semaine à assister Mademoiselle Calendar , mais cela était une merveilleuse opportunité.
Par ailleurs elle continuait à suivre un enseignement à l’université , et vivait toujours sur le campus avec Tara. Mais elles parlaient de plus en plus de la possibilité de trouver un petit appartement , à la fin de la prochaine année scolaire.

« Alors , tu es prête , prête ? » demanda Willow d’un ton enjoué.

« Oh oui, et impatiente de connaître mes élèves. Je dois aller tout à l’heure au lycée. »

« Mais j’ai eu ma réunion ce matin, » s’étonna t –elle. « Pourquoi pas toi ? »

« Le proviseur attendait toutes les personnes qui s’occupent des disciplines artistiques cet après-midi. Je suppose que notre part est moins importante, » répliqua t –elle d’un ton léger.

« Oh.. alors tu ne connais pas encore ton emploi du temps ? Je serai au lycée tous les mardis matins et le jeudi après-midi . Et il est possible que l’on me confie entièrement une classe au second trimestre , si je prouve mes capacités, » termina t- elle avec gaieté.

« Oh Will, c’est formidable ! Tu auras certainement une classe. J’espère seulement que les autres professeurs seront agréables. La plupart sont plus âgés.. »

« Tu pourras toujours aller voir Giles si tu as du vague à l’âme. Un petit tour dans notre bonne salle de bibliothèque.. » Elle soupira et Buffy eut une petite bouffée de nostalgie pour ces années d’adolescence qui étaient passé si vite.

« A propose de professeur, » continua Willow, « Il paraît qu’il y a un nouvel enseignant en littérature. Mais je ne l’ai pas vu ce matin. Retard dans son avion où je ne sais quoi. »

« D’où vient-il ? »

« De New-York. Et tu ne devineras jamais qui il est.. »

« Evidemment non , si tu restes aussi mystérieuse, » dit Buffy en levant les yeux au ciel. « En quoi l’arrivée d’un nouveau professeur de littérature anglaise serait-elle si extraordinaire ? »

« Il s’agit de William Blomigdale , » dit Willow triomphalement.


Ce prénom seul gardait une résonance douloureuse.. Mais il y avait évidemment d’autres William que le jeune Kensington qui avait laissé son empreinte mémorable .
Blomigdale était un jeune écrivain au talent prometteur qui avait publié un premier roman deux ans auparavant, dont le succès immédiat avait fait les échos dans tous le pays. Par ailleurs on savait très peu de choses sur lui , et Buffy n’en avait entendu parlé que récemment par deux de ses amies qui suivaient l’actualité littéraire de plus prés qu’elle.

« Oh, mais cela signifie que l’on va être aux petits soins pour lui. »

« Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr c’est qu’il devrait faire le bonheur de toutes les élèves qui l’auront . Il a la réputation d’être un enseignant remarquable , et il est extrêmement séduisant.. Bon , c’est vrai que le sujet de son ouvrage a fait couler beaucoup d’encre , mais.. »

« Pour le moins. Ne raconte t –il pas ses aventures sexuelles et toutes ses années de débauche ? » demanda t –elle avec sarcasme.

« Tu exagères. As-tu lu son livre ? »

« Non. Sandra m’en a parlé. Mais maman l’a lu , et a trouvé que c’était remarquable. » Elle prononça ce mot comme si elle doutait des capacités de jugement de Joyce.

« La rumeur veut que le livre soit scandaleux , mais en fait il ne l’est pas tant que çà.. Enfin, il évoque une période noire de sa vie.. les dérapages , les conquêtes, et son aventure avec une femme qui l’ a marqué.. »

« Willow, cela veut-il dire que tu as été en contact avec ce roman sulfureux ? » se moqua Buffy.

Elle s’amusait d’autant plus qu’elle sentait vraiment son amie rougir , à l’autre bout du fil.

« Eh bien.. oui. Et au moins je pourrais le féliciter quand je le verrai au lycée ! » se défendit-elle.

La jeune femme rit aux éclats. « Peut-être ne souhaite – t-il pas qu’on lui rappelle qu’il a écrit çà. S’il demande un poste à Sunnydale , c’est certainement pour être tranquille. »

« Oui, bien sûr.. Mais au moins je sais ce qu’il a fait. Plus sérieusement , le proviseur a l’air de le tenir en haute estime. Il vient d’Oxford , et il a enseigné un an dans un établissement New-yorkais , et il paraît qu’il est charmant. »

A la mention d’Oxford , le cœur de Buffy manqua un battement. Décidément , cet inconnu n’avait de cesse de lui rappeler un passé peu joyeux.

« Tu ne vas pas me dire qu’il est anglais aussi ? » demanda t –elle exaspérée.

« Mais.. si, » répondit Willow. « Qu’y a t –il de si extravagant ? Monsieur Jansen est bien suédois , et il vit ici depuis dix ans.. »

Buffy n’écoutait plus . La main crispée autour de l’appareil téléphonique , elle se sentait brusquement la proie de l’angoisse insidieuse qui l’avait accaparée depuis Samedi matin. Elle repensa à son rêve. Mais aussitôt se moqua d ‘elle même. Il pouvait bien y avoir un second William , anglais , ayant fait ses études à Oxford , dans le monde.. sans qu’il n’ait rien à voir avec son William.. Qui n’était d’ailleurs pas le sien.

« … et j’ai dit à Tara que tu serais certainement occupée, » disait Willow.

« Oh oui, oui, tu as très bien fait, » dit-elle précipitamment. « Ecoute , je me rends compte que je dois me dépêcher si je veux être prête à temps. Je te laisse ! »

« Oui, euh.. d’accord. A demain ? » balbutia Willow , un peu étonnée de la manière abrupte dont son amie avait terminé la conversation.

« A demain , bien sûr. » jeta Buffy distraitement.

En fait elle était déjà plus que prête , mais elle venait de décider qu’elle pourrait avoir le cœur net quant à ses pensées sur l ‘identité de William Blomigdale en appelant Giles.

Malheureusement , quand elle chercha à joindre le lycée , on lui expliqua gentiment que la bibliothèque n’était pas encore ouverte , et que par conséquent , il ne répondait pas aux appels.
Reposant l’appareil avec agacement , Buffy décida qu’elle irait directement le voir.

Tout en conduisant vers l’établissement , elle eut en mémoire la dernière conversation qu’elle avait eu avec lui , après que William soit reparti en Angleterre , à la fin d’un séjour qu’il n’avait pas dû garder dans ses meilleurs souvenirs..
Pendant plusieurs mois , elle s’efforça de maîtriser sa curiosité grandissante quant à ce qu’il devenait , dans son université d’Oxford. Mais elle n’osait jamais aborder le sujet.
Giles avait-il deviné qu’il y avait eu quelque chose entre le fils de son ami , et la fille des Summers ? Elle imagina que non. Mais peut-être William lui même avait –il évoqué leur relation.. Comment avait-il expliqué son très brusque départ ? Quand ils s’étaient séparés devant le 1630 de Revello Drive le Samedi soir , elle savait qu’il ne devait pas quitter la Californie avant le Mercredi suivant.
Et pourtant , dés le lendemain Dimanche , Giles était venu leur rendre une petite visite et avait dit en passant que William avait pris le vol pour Londres via New-York à midi, le jour même.

Elle n’oublierait pas le sentiment de douleur intense qui l’avait terrassée.

Et elle s’était tournée vers Angel qui ne demandait qu’à accueillir une jeune fille aimante dans la chaleur de ses bras.


Cependant , le jour de la remise des diplômes du baccalauréat, elle avait trouvé le courage de poser la question . Giles venait de la féliciter , et de lui expliquer quelle vie nouvelle l’attendait en Septembre quand elle murmura : « Et William ? A t –il réussi son année ? »

Il lui avait jeté un coup d’œil surpris , derrière ses lunettes.

« Oui , d’après ce qu’il m’ a dit ses examens ont dû se passer sans problème. Mais ce n’est pas pour l’ardeur qu’il a mise dans ses études, » poursuivit –il avec une note d'ironie un peu triste.

« Que voulez- vous dire ? »

« Qu’il n ‘ a pas cessé d’avoir des ennuis et de se conduire de pire en pire, » expliqua t –il avec lassitude. « Le directeur de l’Université m’ a appelé il y a peu , et William s’était mis dans de mauvais draps. J’ai dû lui expliquer que , malgré mes liens avec sa famille , je ne pouvais être d’aucune utilité dans la résolution de ses problèmes. Et étant donné qu’il a dix neuf ans , il est entièrement responsable de ses actes. C’est un miracle qu’il n’ait pas été exclu. Mais il a toujours eu des ressources hors du commun. »

Cela avait bouleversé la toute jeune fille. Pourquoi continuait –il à gâcher son avenir en fréquentant des gens qui ne pouvaient que lui apporter des ennuis ? S’il avait les capacités intellectuelles pour être à Oxford et réussir ses études , n’avait-il pas assez de jugement pour faire ce qui était bien pour lui ?

Elle se promit qu’elle ne poserait plus jamais aucune question concernant un garçon qui avait disparu de sa vie. Et quand , plusieurs mois plus tard , elle surprit les mots échangés entre Giles et Joyce discutant au salon , elle s’étonna de la rage douloureuse dans laquelle la mit la révélation.
William fréquentait une jeune fille anglaise , d’un milieu social huppé , mais qui avait apparemment décidé que la révolte contre la société , sous toutes ces formes possibles, était l’aventure la plus excitante. Ils venaient d’être arrêtés tous les deux , au sortir d’une soirée , alors qu’ils étaient dans un état indescriptible. Et il avait de la cocaïne dans ses poches.

De ce jour , elle se jura qu’elle ne lui accorderait plus une pensée.


* * * * *

Le proviseur ne les garda que peu de temps dans la salle des professeurs où avait lieu la réunion. Buffy fit la connaissance de ses principaux collègues , une femme d’une quarantaine d’années qui enseignait également la gymnastique , et un homme qui pouvait avoir trente ans , Jarvis , et qui lui fit immédiatement l’effet d’une personne simple et pleine d’humour.
Le reste des gens présents étaient un groupe d’enseignants en arts plastiques , et musique. Dans l’ensemble ils lui firent une impression agréable , et elle avait un emploi du temps plus que favorable : elle ne travaillait pas le Lundi matin ni le Mercredi toute la journée , et terminait un peu plus tard le Jeudi.

Elle brûlait d’aller à la bibliothèque , mais elle dû écouter les diverses recommandations , et le bavardage de chacun pendant quelques instants , d’ailleurs elle le fit sans ennui.
Enfin , après avoir promis à Jarvis qu’ils trouveraient de temps en temps un moment pour évoquer la façon dont ils prépareraient ensemble leurs élèves au spectacle de fin d’année , qui était l’un des objectifs du programme , elle s’envola littéralement dans les couloirs.

Marcher à travers ces lieux où flottait une odeur indistincte de peinture fraîche , la transporta des années arrière. A pas lents elle longea les salles , reconnaissant l’endroit où elle avait tant de fois donné rendez-vous à Willow.
Elle passa devant les casiers , fit courir un doigt tout le long , rêveuse. Sans bruit , elle parvint aux doubles portes vitrées de la bibliothèque. Retenant son souffle , elle les poussa doucement. Un silence presque complet régnait sur les lieux, mais en tendant l’oreille , elle reconnut le son des pages d’un livre que l’on tourne. Et en effet , elle trouva Giles au détour d’une rangée , absorbé , tenant entre ses mains un grand cahier rigide et un crayon .

« Oh.. Buffy ! Quelle surprise.. » dit-il avec un bon sourire. « Je suppose que tu sors de ton entrevue avec Mr.Wood ? »

« Oui, réunion de prérentrée ! » dit-elle en se tenant à quelques mètres de lui.

« Et.. tout va bien ? Tu es contente de tes heures de présence ? »

« Oui, oui.. c’est parfait. » Elle croisa ses mains devant elle , semblant passer d’un pied sur l’autre.
« Et vous ? En train de vérifier qu’il ne vous manque aucun ouvrage ? » plaisanta t –elle.

« Oh.. hum.. eh bien, oui. » Il retira ses lunettes et referma son document. « Tu sais comme je suis.. Mais cette année nous allons nous doter de deux ordinateurs , et nous pourrons avoir des envois éventuels de livres d’autres bibliothèques. »

« Oh.. bien , c’est bien. »

Il vint vers elle , l’observa d’un air pénétrant. « Je suis heureux que tu sois venu me dire bonjour , mais.. avais-tu quelque chose de précis à me demander ? » Il penchait un peu la tête et elle lui rendit résolument son regard.

« Oui. J’ai appris qu’il y avait un nouveau professeur de littérature anglaise, » commença t –elle en l’observant avec acuité. Il l’écoutait , impassible. « C’est Willow qui m’en a parlé, à vrai dire, » dit-elle avec un petit sourire. « Et ,je me disais.. je.. enfin, elle m’ a annoncé qu’il s’agissait du romancier William Blomigdale. »

« Oui, tout à fait, » dit-il . Ses yeux contenaient une certaine curiosité et autre chose.. qu’elle ne sut pas définir. « Tu as entendu parler de lui , je présume ? » demanda t-il.

« Je.. oui, bien entendu. Il y a eu assez de tapage médiatique autour de son roman, » dit-elle avec un petit geste désinvolte de la main. « Mais Willow m’ a dit des choses.. curieuses. Il vient de New-York , où il a juste enseigné un an , après avoir passé son diplôme à Oxford.. »

Elle s’interrompit et prit sa respiration. Il attendait qu’elle continue .

« Et vous allez me trouver ridicule mais cela fait beaucoup de coïncidences avec William Kensington. Etiez-vous resté en contact avec lui depuis quatre ans ? »

« Pas exactement. C’est lui qui m ‘ a donné signe de vie , il y a deux ans. Pourquoi ? »

« Eh bien j’ai pensé qu’ils étaient peut-être une seule et même personne, » avoua t –elle. « Vous m’aviez dit qu’il avait l’intention d’étudier la littérature , et si l’on rajoute cela aux études à Oxford , au fait qu’ils sont anglais, et que.. »

.. et que j’ai rêvé qu’il venait à Sunnydale.. continua t –elle dans sa tête.

« En quoi cela a t –il une quelconque importance pour toi , Buffy ? » interrogea t –il avec un intérêt qui la mit en garde.

« Pas d’intérêt , je vous assure ! » s’écria t –elle. « De la simple curiosité. Je sais que vous étiez attaché à William.. et que.. il n ‘ a pas dû garder un très bon souvenir de son court séjour ici. »

« Oui , j’étais très attaché au jeune William, » répéta Giles d’un ton pensif. « Et l’existence en a fait quelqu’un de bien différent du jeune homme que j’avais accueilli chez moi il y a bientôt cinq ans. Quand je l’ai revu il y a deux ans je l’ai à peine reconnu, » termina t –il avec un petit rire en secouant la tête. « Mais c’était peut-être dû au fait que j’avais du mal à croire à tout ce qu’il racontait dans son livre. »


Buffy sentait son cœur s’emballer sauvagement. Elle se rendit compte que ses paumes de mains étaient moites et qu’elle avait la gorge très sèche. « William.. c’est William ? » murmura t –elle d’une voix tendue.

« Eh bien.. » Elle regardait Giles avec des yeux troublés , interrogateurs. Elle ne vit pas qu’il détachait son regard pour le porter sur quelqu’un derrière elle.


« Bonjour , ma jolie, » murmura une voix qu’elle aurait reconnu entre mille.

Elle ouvrit des yeux agrandis par la surprise , alors qu’elle réalisait maintenant que Giles ne la regardait plus , mais semblait contempler avec une indulgence amusée celui qui venait de parler. Elle fit volte face et son cœur cogna violemment dans sa poitrine.
C’était l’homme qui était venu dans ses rêves. Son William.. qui ne ressemblait plus au garçon un peu timide , aux boucles châtain retombant sur son front , et dont les chemises un peu grandes ne dévoilaient pas la stature athlétique.


Il s’était transformé en la créature la plus incroyablement séduisante qu’elle n’avait jamais eu sous les yeux : entièrement vêtu de noir avec un tee-shirt qui moulait son torse d’une manière insolente et laissait voir ses bras délicieusement musclés , un jean qui prenait sa taille et ne cachait rien de ses jambes puissantes .
Et , comme dans son rêve , il avait à présent des cheveux d’un blond presque blanc , coiffés en arrière , et son visage demeurait ténébreux , ses lèvres sensuelles marquant un pli un peu ironique.

« Spike , j’étais en train d’expliquer à Buffy.. » intervint Giles d’une voix un peu agacée.

« J’ai entendu. » répliqua t –il sans quitter la jeune femme de ses yeux bleus fascinants. « Ne trouves -tu pas extraordinaire que l’on soit tous les deux ici ? » demanda t –il en s’avançant et lui adressant un léger sourire.

Elle se remettait de son premier choc. Elle songea que , grâce à sa venue dans ses rêves – même irréelle - , elle n’afficherait pas la même stupeur agacée que chez elle.

« Si , c’est pour le moins.. intéressant, » acquiesça t –elle. Elle s’efforça de respirer plus librement. « Bonjour , William. »

Ses yeux flambèrent de dédain. « William est uniquement mon nom de plume. Je m’appelle Spike, » dit-il d’un ton un peu sec.

Elle cacha son trouble. N’était-ce pas le nom qu’il avait employé déjà ?

« Oh , et en quel honneur ? » se moqua t –elle avec une assurance qu’elle ne ressentait pas vraiment.

« William était un naïf que personne ne voulait écouter. Et simplement parce que c’est un nom.. » Il eut une moue à la fois pensive et fière, « .. que j’ai mérité, » termina t-il en haussant un sourcil.

Ce petit geste suggestif était si inattendu qu’elle restât sans répondre. Cependant il paraissait s’être radouci quand il vint prendre une de ses mains entre les siennes.


« Buffy. »
Elle eut pour une très brève minute la sensation d’être en face de William , et une émotion profonde lui brûla les poumons. Sa voix était si grave et douce.

Ils restèrent un instant sans parler. Giles , derrière eux , se racla la gorge.

« Mes enfants , je vous suggérerai de continuer votre conversation dans un endroit plus approprié, » dit-il en retirant ses lunettes. « Je suis loin d’avoir fini mon travail. »

« Oh mais je dois y aller ! »
« J’étais venu te demander si tu avais le dictionnaire des idiomes du 18ième siècle. »

Ils avaient parlé en même temps. Le bibliothécaire les enveloppa d’un regard affectueux.

« Oui , je dois avoir ce que tu cherches, » dit-il en s’en allant vers un autre rayon.

Buffy en profita pour s’échapper vers la porte comme si le feu était à ses trousses.

« Merci Giles, à bientôt ! » lança t –elle.

Elle jeta un coup d’œil vers Spike qui n’avait pas bougé. Il la regardait avec attention.

« Je te laisse le temps de chercher, Rupert ! » lança t –il , sans quitter la jeune femme des yeux.

Le bibliothécaire bougonna quelque chose d’indistinct en disparaissant dans les rayons.


« Je suppose que je te croiserai demain, » dit-elle en se dirigeant vers la sortie.
Mais il la rejoignit en deux enjambées , et , à la minute où elle allait franchir le seuil , elle eut la surprise de le trouver en face d’elle .

Un silence étrange dansait entre eux. Il la regardait avec une attention un peu narquoise , et elle leva le menton.
« Tu es magnifique, amour. » Il passa son pouce sur une joue satinée et elle entrouvrit ses lèvres sous la surprise. « Est-ce que tu vas bien ? »

Buffy savait que sa question portait sur un temps bien plus important que ces derniers jours. Elle était infiniment troublée. Comment concilier son souvenir du jeune homme impétueux aux boucles châtain en désordre, au regard bleu noyé derrière ses lunettes , avec cet homme affichant une assurance presque intimidante , et dont la voix était devenue d’une profondeur rauque qui jouait sur ses nerfs ?
Et.. ses yeux étaient si perçants, sa bouche si.. sensuelle.

« Je vais bien, » répondit-elle avec douceur. « J’ai terminé mes études à l’Université en Juin dernier, et je suis là , comme tu le vois. »

Il sourit. « Tu fais le métier que tu voulais ? »
« Oh je suppose que oui, » dit-elle d’un ton léger. « Tu sais je n’ai jamais été une intellectuelle. Mais toi.. quel parcours stupéfiant. »

« Non, je t’assure que cela n’a rien de stupéfiant. J’ai réussi mes études car cela me passionnait. Quant au reste , je ne sais pas si on peu m’appeler un auteur. J’ai écrit ce roman, mais rien ne dit que j’en produirai d’autres. .. à moins que je ne sois inspiré. »

Il eut une expression qu’elle ne sût déchiffrer.

« Je ne l’ai pas lu, » souffla t –elle. « Mais maman , si ! Et un grand nombre d’autres personnes. »

« Eh bien j’espère que tu le feras, » murmura t –il en s’approchant davantage. « Et tu me diras ce que tu en penses. »

Il sentait la cigarette, mêlée à un after-shave délicieux. Elle battit plusieurs fois des paupières , et avala sa salive .

« Je dois y aller. »

« Oui, bien sûr, » dit-il en tressaillant , comme s’il faisait un effort.

Elle tourna les talons , mais lui fit un petit signe de la main en commençant à marcher de son pas gracieux. Quand elle eût disparu au détour du couloir , le visage de Spike avait pris soudain une expression de désir douloureux.

Il ne prêta guère attention à ce que racontait Giles , déambulant dans la rangée la plus au fond de la salle.

Son cœur et son corps avaient suivi Buffy en dehors des lieux , et il aurait tout donné pour se transformer en cette minute en un esprit dansant , vagabondant auprès d’elle , invisible.


A suivre.





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