Chapître 8. Une si douce tentation.



Quinze jours plus tard , Buffy répondait au téléphone dans une grande alcôve adjacente au bureau de William.

« Oui, c’est l’assistante de Mr. Lawrence à l’appareil », répondit-elle d’une voix distraite .

« Je croyais qu’il ne vous inspirait que de l’indifférence », fit une voix accusatrice.

« Oh , Riley , vous êtes de retour ! » sursauta Buffy .

« Oui », répondit-il d’un ton légèrement hostile. « Un peu plus tôt que prévu. Et pour apprendre que vous êtes devenue l’assistance personnelle de Lawrence ? J’ avais cru comprendre que vous ne vouliez rien avoir à faire avec lui. »

Buffy eut un petit rire de gorge et se cala plus confortablement dans son siège.

« Riley , la jalousie ne vous pas du tout . Et sérieusement , c’est une proposition que je ne pouvais pas refuser. Et je vous assure que depuis que j’ai commencé il y a deux semaines , je n’ai pas le temps de songer à autre chose qu’au travail. Et pour vous , est-ce que tout va bien ? Avez-vous fait bon voyage ? »

« Qu’est-ce que cela vous fait ? » maugréa-t-il .

Mais elle comprit qu’il feignait d’être plus en colère qu’il ne l’était réellement.

« Eh bien , j’aurais été désolée si vous vous aviez été dévoré par un panda au zoo de Pékin » , rétorqua-t-elle .

Il éclata de rire .

« Petite rosse ! Je vois que vous êtes d’une humeur enjouée , mais à mes dépens.. » continua-t-il. « Au risque de vous ennuyer », dit-il d’un ton plus sérieux « pourrions-nous dîner ensemble ? »

« J’en serais ravie , mais j’ai de très longues journées à présent. Je ne quitte plus le bureau à 17heures comme avant . Et je vous avoue que je suis éreintée en rentrant chez moi.. »

« Il vous fait travailler dur ? » demanda –t -il.

« Comme une esclave », répondit Buffy . « Mais c’est le lot de tous ceux qui sont nouveaux dans une équipe. »

Elle ne regrettait rien .
Après son entrevue avec William chez elle , et les douloureux souvenirs qu’il avait fait surgir en elle - veuve et enfoncée si profondément dans son chagrin à 25 ans - , Buffy savait parfaitement que sa décision concernant son travail ne devait pas être influencée par l’attitude arrogante et agressive de William .
Elle avait passé le week-end suivant chez Alex et Anya , et alors qu’elle était assise dans le jardin avec cette dernière , et elle avait raconté les derniers événements de sa vie , ses rencontres avec William ( tout en omettant le caractère passionné et sulfureux de leurs rencontres ) , jusqu’à sa proposition de poste.

« Je l’imagine fervent dans tout ce qu’il doit entreprendre » ,avait dit Anya . « Et je suppose qu’il est séduisant ? »
« Oui. »avait murmuré Buffy presque à contre- cœur . « Extrèmement séduisant , dans un genre dangereux. »

« Accepte. C’est de la folie d’hésiter. Comme il te l’a dit c’est une occasion inespérée. Et ce changement ne peux que te faire du bien. »
Elle avait jeté un œil bref sur Colin jouant dans l’herbe avant d’ajouter d’un ton plus doux : « Je t’ai donné mon point de vue , il est temps que tu cesses de vivre dans le passé . Tu as subi un coup du sort terrible , mais tu dois continuer à vivre. Angel te dirait la même chose. »

Anya , sous ses manières brusques , tenait le langage de la raison . Angel n’aurait pas souhaité pour sa jeune épouse une existence de recluse soupirant après un amour impossible . Il avait été un homme rempli d’une énergie combative , tranquille , et Buffy commençait à réaliser qu’elle devait regarder vers l’avenir avec un cœur plus confiant .
Elle était restée assise dans le jardin , seule , jusqu’à la fin du jour . A écouter le chant d’une grive , à laisser son corps se détendre sous la chaleur du soleil. ‘ Je suis vivante ‘ , pensait – elle . ‘ Je dois faire un effort. »

Quels mots avait utilisé William ? Que son attitude était un crime contre la vie ? Cela l’avait frappée , et elle ne pouvait oublier l’expression presque cruelle de sa bouche . Sa rage froide .
Il ne ressemblait pas à Angel , qui n’avait jamais dévoilé un aspect aussi farouche dans leur courte vie commune . Comment ne l’avait-elle pas compris plus tôt ? Il n’y avait donc aucun danger à travailler avec lui . Il la laisserait indifférente .
Son ambition passionnée , son tempérament tumultueux et impitoyable , ne trouveraient aucun écho en ce qu’elle avait partagé avec Angel .



Elle termina sa conversation téléphonique avec Riley , et se prit à imaginer que les rumeurs qu’elle avait entendu sur le caractère de William s’étaient révélées exactes : il était déterminé , acharné dans la réussite de son équipe et l’assurance qu’on avait mis dans sa capacité à réussir à New Network , et cachait sous une apparence séductrice une puissance impitoyable , et des colères redoutables.
Elle tourna un regard pensif vers la fenêtre et le ciel chargé de nuages , et réalisa qu’elle était attirée par des hommes très différents.

« Avez-vous trouvé ce dossier ? » demanda sèchement William qui franchit la porte du bureau comme si une armée ennemie était à ses trousses .

Elle sursauta et se retourna vers lui , les yeux encore songeurs.
Il la dévisagea entre des paupières mi- closes , et s’attarda sur ses yeux troublés , la ligne gracile de son cou , ses bras nus .

« Réveillez-vous. » dit –il avec hargne. « Je ne vous paie pas pour rêver. » ajouta-t-il en prenant le dossier qu’elle lui tendait . « Surtout pas de fantômes. »

Buffy rougit légèrement , et répondit d’une voix ferme :

« Le dossier Grinberg est également sur votre bureau depuis un moment . Et Paul a appelé , il pense que dix émissions est un chiffre encore trop important , et pense que nous pourrions réduire.. »

William passa une main dans ses boucles châtain, et se tourna vers elle avec un regard durci :
« Je croyais qu’on avait été clair ; la quantité d’images et de documents que j’ai rapportés avec mon équipe ne peut pas se réduire indéfiniment ! Vous savez ce qu’il vous reste à faire , Buffy » ajouta-t-il d’un ton plus doux .

Il s’installa derrière son bureau , et la contempla un instant , la tête penchée de côté.
Mais Buffy ne répondit pas , et s’était à nouveau penchée sur l’écran de son ordinateur .

William demeurait encore surpris qu’elle ait accepté de travailler avec lui ; et, la voir juste à quelques mètres de lui , tous les jours , dans un silence concentré et réservé , ne lassait pas de l’émerveiller .
Elle était l’assistance idéale , comprenant ses préoccupations immédiatement , et prenant les devants quand un problème se présentait , qu’elle savait résoudre. Elle s’était adaptée très vite au nouveau contexte qui la mettait en contact avec les deux ou trois autres membres de l’équipe de William , et surtout savait l’aider dans sa tâche avec un minimum de paroles .
Il lui arrivait facilement de parler d’un ton dur et irrité , et elle ne faisait que serrer les lèvres , en prenant un regard lointain .

Buffy se sentait observée , mais n’en laissait rien paraître . En deux semaines de travail à ses côtés , elle interprétait les signes d’agacement de son patron avec un calme qui l’intriguait elle-même . Et elle avait d’ailleurs découvert que ses accès de rage froide étaient plus difficiles à supporter que ses explosions de colères .

Dans ses moments là , tout le monde redoutait ses paroles cinglantes ; Buffy avait vu juste deux jours auparavant une jeune assistante partir en sanglotant , à la suite d’une réflexion sans doute trop dure. Inexplicablement , elle était imperméable à ses mouvements d’humeur , peut-être car elle se sentait à égalité avec lui..

Tous deux reprirent leur travail dans une atmosphère studieuse . Mais Buffy laissa plusieurs fois son regard errer sur le ciel , et les fenêtres des immeubles voisins , le soleil qui brillait encore haut dans le ciel était une tentation pour quitter le bureau plutôt. Hélas , c’était un luxe qu’elle ne pouvait plus imaginer , et , avec un léger soupir , Buffy passa une main languissante sur sa nuque .

William tressaillit : son léger soupir , le mouvement de son corps qui se cambrait, sa main qui passait dans la blancheur de son cou , juste à la limite de sa chevelure qu’elle avait rassemblée en un chignon vague , et dont les mèches ne cessaient de retomber , indisciplinées , au fur et à mesure que la journée s’écoulait , tout trouvait un écho fiévreux dans son propre corps .
Il mourrait d’envie de s’approcher , de lui caresser doucement les épaules , de laisser ses lèvres glisser sur sa peau , et de lui murmurer qu’elle pourrait rentrer bientôt .

Mais il reconnaissait qu’il n’avait aucun sens de l’heure , tant il se laissait absorber par tout ce qu’il avait à mettre au point. Et malheur à celui qui essayait de partir avant qu’un projet ne soit terminé : ses collègues le maudissaient , car William méprisait tous les aléas de la vie privée.

En face de lui , Buffy refermait son ordinateur portable , et se dirigea vers les étagères couvrant le mur opposé à la fenêtre . William suivit ses pas légers , la cambrure de ses reins mise en valeur par un pantalon beige couvrant délicieusement ses formes , et la ligne de son dos gracile , qu’il devinait sous le voile d’une chemise blanche . Elle s’étira jusqu’à atteindre les tiroirs supérieurs , et sa silhouette demeura ainsi , presque immobile , dans une position que William ne put s’empêcher d’admirer.
Etait-il fou pour s’être délibérément mis dans une situation telle que , plusieurs fois par jour , elle exposât ses charmes , alors qu’il lui avait juré qu’il ne tenterait plus de la séduire .
Il laissait ses yeux parcourir la beauté de ses reins , ses jambes tendues dans l’effort , et sursauta presque quand un coup sec fut frappé à la porte et que John Brohsam entra en coup de vent ; il était le chargé des illustrations pour les images d’ouverture , et venait constamment demander l’avis de Buffy .

Il regarda la jeune femme qui cherchait des dossiers , sourcils froncés , et se percha sur un coin de son bureau . La trentaine , garçon au sourire franc et doté d’un grand sens de l’humour , il cherchait toutes les occasions pour amener un sourire sur le beau visage de la nouvelle partenaire de William.

Il fit un petit signe de la main en direction de celui-ci : « Will.. Tout va bien ? »

Celui-ci lui lança un regard froid .

« Qu’est-ce qui t’amène .. encore , John ? » demanda-t-il .

« Comme d’habitude . Je viens chercher l’avis artistique de la plus jolie femme de New Network » , répliqua-t-il avec légèreté .

Et , sur le bloc de feuilles blanches qu’il emportait partout avec lui , il commença à faire un croquis de Buffy .
Celle-ci se retourna , les mains pleines de pochettes de photos , et lui sourit avec douceur. William vit l’admiration briller dans le regard de John , et la lumière nouvelle dans le visage de la jeune femme.

« Tu nous fais perdre notre temps », dit-il sèchement. « Il y a encore au moins une heure avant de partir , et nous avons encore un certain nombre de points pour les trois premiers documentaires que nous n’avons pas réglés. »

Buffy ignora sa remarque , et vint se rasseoir derrière sa table , étalant les pochettes devant elle. Elle commença à sortir plusieurs clichés qu'’elle étala sur le bureau.

John continua à dessiner , tournant son corps vers la jeune femme , ses doigts longs et fins volant sur la feuille de son carnet . Son regard allait de Buffy à son croquis constamment .

« Je pense que j’ai absolument les photos pour satisfaire votre sens de la perfection, John », dit-elle .

William s’étonna une fois de plus de la capacité qu’elle avait à toujours à anticiper une demande , et regarda avec contrariété son collègue quitter sa posture pour venir se placer tout près de Buffy , leurs mains se frôlant au-dessus des photos.

« Je sais que vous me surprenez sans cesse , Buffy », dit John . « Vous avez tout à fait raison , ces copies sont parfaites . Vous êtes fantastique ! »
Buffy rit doucement , et rassembla les épreuves .

« Si je pouvais travailler en trouvant des solutions aussi vite pour chaque chose , ce serait une bénédiction. »

Elle lui tendit la pochette.
« Voilà pour la première émission . Je crois que tout est décidé pour la seconde ? »
John terminait son dessin , et rejeta la tête en arrière pour examiner le résultat. Puis il le posa sur le bureau de Buffy.
« John , c’est merveilleux . » dit-elle en regardant le portrait qu’il avait dressé en quelques minutes . Son expression , le sérieux de son regard , étaient rendus avec une exactitude impressionnante .

« Non , c’est vous qui êtes merveilleuse. » répondit John . « Vous êtes libre ce soir ? »

William sentait sa stupéfaction se muer en rage ; une jalousie brûlante lui mordait la poitrine , et il cherchait les mots les plus cinglants pour remettre l’impudent à sa place , quand Buffy dit avec calme :

« Je suis désolée , j’ai déjà un rendez-vous ce soir.. » Elle adoucit ses paroles par un regard lumineux .Puis jeta un oeil bref vers William , et croisa son regard bleu et glacial . Elle redressa le menton et lui renvoya un regard chargé de défiance.
« Oh ? » murmura John , qui venait de surprendre l’échange de regards.

Il s’imagina que William jouait sans doute un autre rôle que journaliste dans la vie de Buffy , et son visage refléta un instant une ironie désabusée. Mais sa bonne humeur reprit le dessus aussitôt , et , prenant les documents préparés par Buffy , lui déposa un baiser léger sur la joue.

« A plus tard . Merci infiniment . »
Et il quitta la pièce chargée d’une électricité sauvage.

William se leva , et vint se poster avec nonchalance en face de la jeune femme.

« J’ai le regret de vous dire que nous avons ‘ réellement’ certaines choses à mettre au point .., Buffy.. » Il venait de se mordre la langue en se retenant de l’appeler « amour » , comme si la simple appellation pouvait effacer le sentiment d’ impuissance qu’il sentit déferler dans son cœur , à la perspective de la savoir en compagnie d’un autre homme que lui.

« Je le sais », dit-elle d’une voix égale. « Mais je ne doute pas que nous ayons terminé d’ici sept heures. »

Elle le regardait d’un air si professionnel qu’il n’eut pas l’envie d’aborder le sujet de sa sortie.
Mais , après une longue discussion sur les mérites ou non d’intégrer des commentaires sur des passages dont la splendeur évoquait en elle-même plus que tout discours , ils finirent par tomber d’accord , et , une fois encore , William se félicita de l’efficacité de leur entente intellectuelle.

Buffy prenait sa veste et son sac , se dirigeant vers la porte , lorsqu’il se décida brutalement .

« Avec qui sortez-vous ? »

Un instant , elle crut avoir mal entendu. Puis elle lui fit face , et lui répondit sans trahir son émoi .

« Mon ami d’enfance Alex et sa femme viennent manger chez moi. »

« Ah , bien , bien » murmura-t-il d’un ton indifférent. « Dans ce cas , je ne vais pas être un ogre , et vous gâcher ce moment. Partez vite . Et n’oubliez pas que demain matin , nous nous retrouvons tous en salle de montage . »

« William.. » ajouta-t-elle d’une voix un peu rauque « ne restez pas jusqu’à une heure impossible. »
Il se rapprocha avec l’allure féline qui le caractérisait , et , un sourcil haussé , lui sourit avec un air taquin.

« Etes-vous préoccupée de ma santé ? » questionna-t-il . « C’est inutile. »

Buffy ne bougeait pas , et contemplait , palpitante , la ligne de sa mâchoire , la pureté de sa bouche , la fascinante couleur de ses prunelles.

« Non. .je.. » souffla-t-elle. « Enfin , je sais que vous êtes si perfectionniste. »

« Oui , mais c’est manière de fonctionner. » répondit-il avec un léger rire. « Je ne pense pas que cela change à mon âge. »
Il passa le revers de sa main gauche sur sa joue , et Buffy crut que son cœur allait s’arrêter à ce seul contact.

« Merci de cette pensée . Mais je vais faire comme vous . Lire juste un article et rentrer . » dit-il en laissant retomber sa main.
Elle hocha doucement la tête , et le quitta sans un mot de plus .

William referma la porte de leur bureau avec douceur , et vint se rasseoir dans son fauteuil. La tête dans les mains , il fit un effort pour calmer la tension qui comprimait sa nuque et ses épaules.

‘ Comment vais-je te résister , amour ?’ se dit-il .

Il laissa aller son dos en arrière , et ferma les yeux . Il lui avait fallu une extraordinaire volonté pour ne pas prendre Buffy dans ses bras , pour ne pas couvrir sa bouche de sa bouche , avant de lui promettre les caresses les plus audacieuses.

Et l’intérêt qu’elle ne cessait de susciter chez les autres hommes aiguillait son désir de possession d’une manière insensée.
Une vague de désir et de frustration le raidit de nouveau . Elle avait été sienne pendant de trop brèves minutes , mais sa chair était marquée au fer rouge , il n’y avait pas d’autre explication à l’envoûtement qu’il ressentait en sa présence .

Quand il rentra finalement chez lui deux heures plus tard , et que , le ventre vide , il se jeta dans son canapé , dégrafa le col de sa chemise , et laissa négligemment sa cravate sur le sol , un verre de whisky à la main , il laissa son imagination le combler.
Sous ses paupières frémissantes , il vit le corps alangui de Buffy , nue sous le halo mauve d’une lampe , les seins palpitants et durcis , les lèvres gonflées de ses baisers, dans l’attente d’être pénétrée. L’ ardeur qu’il avait ressentie à cet instant était inégalée dans sa vie d’homme, et il avait eu pourtant de nombreuses aventures.

Dans ses rêves , William se rassasiait de la faim qu’il avait d’elle de mille façons , plus érotiques les unes que les autres. Et couvrait ses cris d’extase sous ses lèvres affamées . Il se réveilla en sursaut vers minuit , le sexe douloureux, la sueur au front, le nom de Buffy murmuré inlassablement dans une litanie de plaisirs.





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